Sur la photo couleur, on voit de dos une personne handicapée en fauteuil roulant électrique. Devant elle, un escalier de six marches qui mène à une entrée d'immeuble... Inaccessible donc ! 

 

Aux 348 Sénateurs de la République Française :

 

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

Votre Assemblée commence à examiner le Projet de loi «portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique» (ÉLAN), qui a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. 

À cette occasion, nous nous permettons de vous rappeler la lettre ouverte que nous vous avons adressée le 19 juin avec six autres associations pour vous demander de supprimer l’article 18 qui prévoit de remplacer l’obligation d’accessibilité des appartements dans les immeubles d’habitation collective en construction disposant d’un ascenseur (RC + 4 et plus) par un quota de 10 %, les autres appartements étant « évolutifs ».

Vous trouverez ci-joint notre argumentaire «vrai/faux» en date du 30 juin, qui vous permettra de mieux comprendre le problème et de ne pas subir une propagande gouvernementale basée sur des idées reçues… (Lire en particulier les rubriques «Aujourd’hui, 100 % des logements neufs sont accessibles...»«Vu le petit nombre de PMR, il y a bien assez de logements accessibles...» et «Un logement évolutif c’est mieux qu’un logement accessible...»).

Vous trouverez également pour mémoire la lettre ouverte que l’ANPIHM vous a adressée à ce sujet le 12 juillet, document qui expose l'enjeu de l'accessibilité universelle à partir des dernières statistiques de l'INSEE.

Nous attirons votre attention sur le fait qu’il ne s’agit pas de marchander un quota de 10, 20 ou 30 %, mais qu’il convient de refuser le principe des quotas, comme le font l’ensemble du monde associatif, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Conseil de l’Europe – ce système des quotas de logements neufs accessibles (utilisés autrefois il y a plus de quarante ans en France) étant contradictoire avec le principe d’accessibilité universelle et les engagements internationaux de notre pays, notamment la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, pourtant ratifiée par la France en 2010 (voir citation dans la lettre interassociative du 19 juin).

Rappelons enfin que l’immense majorité des 30 millions de logements actuellement en stock ne sont pour l’essentiel pas accessibles aux personnes à mobilité réduite ni aux personnes âgées vieillissantes et en perte d’autonomie : marches d’escalier, ascenseurs en demi étages, portes et couloirs trop étroits, etc. Le retard est donc immense : même avec les règles actuelles il faudra des décennies pour le combler.

L’accessibilité a peut-être un coût, au demeurant marginal ainsi que le démontre l'ANPIHM, mais la non-accessibilité a un coût social, et ce coût social est considérable ! On compte chaque année 160 000 personnes victimes d’AVC, 150 000 personnes victimes d’infarctus, et 90 000 personnes victimes d’une fracture du col du fémur, autant d’accidents entraînant souvent une grande réduction de mobilité.

En conséquence, nous vous demandons de soutenir et voter les amendements proposés par vos collègues sénateurs pour la suppression de l’article 18 :

– Amendement numéro 16 proposé par M. SOL.

– Amendement numéro 154 proposé par Mme CUKIERMAN.

– Amendement numéro 248 proposé par M. HOUPERT.

– Amendement numéro 557 proposé par Mme GUILLEMOT.

Dans l’attente, veuillez agréer, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, l’expression de nos sentiments distingués.

Pour le CDTHED, le président : Henri Galy

 

Télécharger la lettre des associations du 19 juin 2018 (pdf)

Télécharger le questions-réponses « Vrai/Faux » du CDTHED (pdf)

Télécharger la lettre de l'ANPIHM du 12 juillet 2018 (pdf)

 


 

 

 

La Commission des Affaires économiques du Sénat a modifié le Projet de loi « portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » (ÉLAN) le 4 juillet. On peut consulter le texte ainsi amendé à l’adresse suivante :

http://www.senat.fr/leg/pjl17-631.html

Concernant l’article 18, et plus particulièrement les appartements accessibles, la commission a adopté  la rédaction suivante :

1. - L'article L. 111-7-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-7-1. - Des décrets en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixent les modalités relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées prévue à l'article L. 111-7 que doivent respecter les bâtiments ou parties de bâtiments nouveaux. Ils précisent, en particulier :

« 1° Les modalités particulières applicables à la construction de bâtiments d'habitation collectifs ainsi que les conditions dans lesquelles, en fonction des caractéristiques de ces bâtiments, trente pour cent de leurs logements, et au moins deux logements lorsque le bâtiment comprend moins de dix logements, sont accessibles tandis que les autres logements sont évolutifs.

(…)

La commission prescrit donc 30 % de logements accessibles au lieu des 10 % prévus par le gouvernement à l’origine… Peut-être s’agit-il là du fameux « arbitrage » évoqué par certains sénateurs centristes et LaREM pour tenter de rassurer les associations et l’opinion publique ?

(Rappelons que le texte n’était pas examiné par la commission des affaires sociales alors pourtant qu’il concerne le logement social.)

Quoi qu’il en soit, pour le CDTHED, ce pseudo «compromis» reste dans le cadre du principe des quotas, contradictoire avec le principe d’accessibilité universelle inscrit dans la Loi et dans les conventions internationales… ce n’est pas ce que nous voulons : il n’est pas question pour nous de rentrer dans ce sordide marchandage au détriment de nos droits!

Par la suite, des sénateurs ont déposé leurs propres amendements. Ceux-ci peuvent être consultés sur le site du Sénat à l’adresse suivante :

http://www.senat.fr/amendements/2017-2018/631/jeu_classe_restant.html

C’est toutefois très long à lire, car il y a des centaines d’amendements… Ce qui est important pour nous, c’est de noter que quatre amendements ont été déposés pour supprimer l’article 18, par MM. Jean Sol (LR), Rachid Temal (PS), Alain Houpert et par le groupe CRC (communistes et écologistes).

Nous allons maintenant intervenir auprès de tous les sénateurs pour leur demander de voter ces quatre amendements qui répondent à notre revendication de préservation des règles d’accessibilité actuellement existantes.

Nous appelons tous nos adhérents, amis et correspondants à intervenir en ce sens auprès des sénateurs de leurs départements.

  


 

 

Sur la photo couleur, on voit de dos une personne handicapée en fauteuil roulant électrique. Devant elle, un escalier de six marches qui mène à une entrée d'immeuble... Inaccessible donc ! 

 

APPEL AUX PERSONNES HANDICAPÉES, PARENTS ET AMIS :

 

L’heure est grave. Après l’ordonnance de juillet 2014 qui a affaibli l’obligation d’accessibilité des ERP (Établissements Recevant du Public), c’est maintenant notre droit au logement qui est menacé. Le Projet de loi gouvernemental « portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » (ÉLAN) prévoit dans son article 18 de diviser par 10 le nombre d’appartements accessibles à la construction et de revenir au principe des quotas, abandonné il y a plus de 40 ans !

Toutes les associations ont condamné cette mesure rétrograde. Le CDTHED pour sa part a écrit le 28 mai aux 577 députés de l’Assemblée nationale pour leur demander de ne pas l’adopter. Le texte a néanmoins été voté en première lecture, avec les seules voix de la majorité En Marche.

Le projet de loi ELAN va maintenant passer en première lecture au Sénat les 17, 18 et 19 (+ éventuellement le 20) juillet. Compte tenu de la composition politique de cette assemblée parlementaire, il est parfaitement possible d’obtenir la suppression de l’article 18. Certes, cela ne réglerait pas la question (en cas de désaccord, l’Assemblée nationale a le dernier mot), mais ce serait un point d’appui important pour la poursuite de notre combat.

En conséquence, nous vous invitons à contacter le plus rapidement possible (par courriel, téléphone ou courrier postal) les sénateurs de votre département pour leur demander de supprimer l’article 18 et de soutenir tout amendement allant en ce sens.

Vous trouverez ci-joints trois documents qui vous donneront toutes les explications nécessaires pour argumenter :

  • Une lettre commune de sept associations (AMI — ANPIHM — CDTHED — CHA-VA France — GFPH — Handi-Social — « Sans Rien ») adressée le 19 juin aux 348 sénateurs.
  • Un questions-réponses « Vrai/Faux » qui vous permettra de mieux comprendre le problème et de combattre les idées reçues et la propagande gouvernementale.
  • Un communiqué de l’ANPIHM qui fournit les chiffres les plus récents (INSEE, 2015), lesquelles montrent que la situation s’est encore aggravée par rapport aux évaluations utilisées dans la lettre aux sénateurs.

Vous trouverez les coordonnées des sénateurs à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/senateurs/sencir.html

 

Télécharger la lettre des associations du 19 juin 2018 (pdf)

Télécharger le questions-réponses « Vrai/Faux » du CDTHED (pdf)

Télécharger le communiqué de l'ANPIHM du 2 juillet 2018 (pdf)

 


 

On voit en haut un grand « VRAI » écrit en vert, en bas un grand « FAUX » en rouge et au centre un petit « ou » jaune. À droite un grand point d’interrogation jaune. 

 

Aujourd’hui, 100 % des logements neufs sont accessibles...

 Sur fond rouge, une main avec le pouce en bas tient un petit panneau rond avec une croix au milieu : c'est faux !Faux !

Chaque année, on construit en France environ 300 000 logements, [1]dont la moitié sont des maisons individuelles pour lesquelles l’obligation aux PMR (Personnes à Mobilité Réduite) ne s’applique que si elles sont construites expressément pour la location, ce qui est le cas d’une toute petite minorité d’entre elles.

Concernant les bâtiments d’habitation collectifs neufs, l’obligation d’accessibilité ne s’applique qu’aux seuls appartements situés en RC (Rez-de-chaussée) ou à l’étage lorsque cet étage est desservi par ascenseur. Or l’ascenseur n’est obligatoire que dans les immeubles de 5 niveaux (RC+4) et plus. Cela exclut toutes les petites constructions (notamment RC+3), privilégiées actuellement par les promoteurs et les bailleurs.

Ainsi, sur 155 000 appartements neufs (bâtiments d’habitation collectifs) construits chaque année, on n’en compte en moyenne que 109 000 accessibles : une goutte d’eau par rapport à l’océan des besoins ! En effet, il y a en France environ 30 millions de logements anciens, dans l’immense majorité des cas non accessibles : marches d’escalier, ascenseurs en demi étages, portes ou couloirs trop étroits, etc.  

Par ailleurs, il n’y a pas dans ce domaine de contrôle a posteriori de l’obligation d’accessibilité, il suffit au promoteur de certifier qu’il respecte les normes…   Pour toute la France, nous n’avons eu connaissance que d’un seul procès gagné par une personne handicapée locataire contre le bailleur qui avait réceptionné des logements non conformes.

Avec la législation actuelle, le parc de logements accessibles n’évolue donc déjà que trop lentement… Et pourtant, l’article 18 du projet de loi relatif à « l’Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique »(ÉLAN) prévoit de diviser par 10 le nombre d’appartements accessibles à la construction ! Certes, la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, a évoqué l’idée d’abaisser de RC+4 à RC+3, voire RC+2 le seuil de l’obligation d’installation d’un ascenseur… mais le gouvernement n’a pas confirmé. (Rappelons qu’il avait fait repousser un amendement en ce sens lors des débats sur le projet de loi ÉLAN à l’Assemblée nationale en première lecture !)

Un logement accessible est un logement adapté à chaque PMR...

 Sur fond rouge, une main avec le pouce en bas tient un petit panneau rond avec une croix au milieu : c'est faux !Faux !

Construire des logements accessibles, c’est appliquer dès la construction un socle commun de règles d’accessibilité qui vont permettre de garantir :

  • L’accès à l’immeuble (cheminement sans obstacle, entrée de plain-pied...)
  • L’accès à l’appartement (pas de seuil, largeur de portes palières et intérieures, ascenseur conforme, etc.)
  • La circulation et la rotation d’un fauteuil roulant dans « l’unité de vie »(cuisine, séjour, toilettes, salle d’eau et au moins une chambre) ainsi que l’accès aux équipements électriques et sanitaires.

Attention : Le balcon (ou la terrasse) ne sera pas nécessairement accessible… Depuis 2016, la hauteur du seuil intérieur est passée à 4 cm voire plus dans certains cas.

La personne à mobilité réduite devra ensuite faire équiper son appartement pour l’adapter à ses besoins spécifiques et gagner le plus d’autonomie possible : personnalisation de certains équipements, barres de maintien, rails pour lève-personne, volets électriques, porte d’entrée motorisée, etc. Elle le fera à ses frais et/ou, selon sa situation, avec une aide de la MDPH (Prestation de Compensation du Handicap), des collectivités, de sa mutuelle, de l’ANAH (Agence NAtionale de l’Habitat), etc.

Si elle est propriétaire, elle aura pu éventuellement prévoir certaines de ces adaptations dès la construction, sachant qu’elles lui seront souvent facturées au prix fort par le promoteur immobilier.

Si elle est locataire, il lui faudra demander l’accord de son bailleur. Le bailleur n’a pas le droit de refuser, mais il peut exiger que le locataire remette le logement dans son état initial dans le cas où lesdits travaux constituent « une transformation du logement ». La remise en état se fera alors aux frais du locataire handicapé et aucun organisme a priori ne l’aidera, les aides financières ne sont conçues que pour l’adaptation du logement. Ce problème peut parfaitement se produire avec certains bailleurs privés.

Dans les logements sociaux, certains travaux d’adaptation peuvent être assurés par l’organisme bailleur.

Emménager dans un logement prévu accessible dès la construction est une véritable avancée pour la personne à mobilité réduite. Certes, elle devra prévoir des aménagements pour l’adapter à ses besoins propres, mais elle n’aura pas à reconfigurer l’appartement, faire abattre des cloisons, faire modifier les équipements électriques et sanitaires, etc. — ce qui est impossible si elle est locataire et représente beaucoup de formalités, de temps d’attente et un budget conséquent si elle est propriétaire.

Ils ont dit : « En 1977, lorsque j’ai quitté le Centre universitaire de cure, j’ai galéré pour me loger. Aucun appartement visité n’était accessible. J’ai choisi le moins pire : au RC avec deux marches, des toilettes et une salle de bains inadaptées au fauteuil roulant, mais les pièces étaient grandes. J’ai pris des colocataires valides, on s’est organisés avec un plan incliné bricolé, les portes démontées pour permettre le passage, l’urinal et le bassin pris dans la chambre, la toilette au lit… Au bout de 4 ans, j’ai pu emménager dans une HLM nouvellement construite accessible car, heureusement, la Municipalité était en pointe en matière d’accessibilité. » (H., Grenoblois en fauteuil)

L’accessibilité du logement profite à tous...

 Sur fond vert, une main avec le pouce en l’air tient un petit panneau rond avec le signe de validation au milieu : c'est vrai !Vrai !

L’accessibilité n’est pas réservée aux PMR. De même que pour l’accessibilité de la voirie et des transports, l’accessibilité du logement profite à tous. C’est un critère vital pour les PMR, mais c’est aussi un bénéfice pour les personnes dites valides qui en apprécient les avantages au quotidien (enfants en poussette, livraisons, déménagements...) et en cas d’accident de la vie...

C’est une option qui s’avère toujours payante. On voit encore trop de personnes « en perte d’autonomie », quel que soit leur âge, contraintes de vivoter dans un espace réduit, le reste de l’appartement étant inaccessible ou de renoncer à toute vie sociale dès lors qu’elles ne peuvent plus emprunter les escaliers. Et pour déménager, encore faut-il avoir anticipé, car la recherche d’un nouveau logement est alors le parcours du combattant. Leur dernier recours reste souvent d’entrer en catastrophe dans un établissement spécialisé... Si elles trouvent une place !

Un logement accessible c’est aussi la possibilité pour une famille « valide »de continuer à recevoir ses enfants, ses parents ou ses amis et de les héberger à l’occasion, même s’ils sont à mobilité réduite.

Il n’existe pas deux mondes séparés et étanches, celui des gens valides d’une part et celui des personnes malades, âgées ou handicapées d’autre part. Tous sont amenés un jour où l’autre à se rencontrer voire même à vivre ensemble. Et seule l’accessibilité le permet....

Construire des logements accessibles, c’est beaucoup plus cher...

 Sur fond rouge, une main avec le pouce en bas tient un petit panneau rond avec une croix au milieu : c'est faux !Faux !

Dans la construction, ce qui coûte cher c’est le foncier, surtout dans les grandes villes et lorsqu’il faut démolir des bâtiments anciens pour bâtir du neuf. C’est bien pour cette raison que les grands appartements d’autrefois ont petit à petit « rétréci ». Dans les années 75 à 81, la surface moyenne d’un logement collectif en France est estimée à 68,3 m2. Dans les années 97 à 2001, cette surface moyenne, tombe à 60,5 m2.

Parallèlement, les techniques et les matériaux de construction ont évolué et permettent une construction plus rapide, donc qui réduit le temps de main d’œuvre. Et les maîtres d’ouvrage sélectionnent par leurs appels d’offres, des prestataires toujours moins chers.

Les promoteurs renâclent à faire construire des appartements accessibles, au motif que « l’accessibilité coûte cher »car elle appelle « l’utilisation contrainte des surfaces ». Ainsi, une salle de bains accessible (hors studio) fera 3,60 m2 au lieu de 3 m2 car il faut prévoir une surface supplémentaire, marge indispensable à l’utilisateur de fauteuil roulant. Cet inconvénient va s’estomper dès lors que le type d’appartement va croître (T3, T4, T5) puisque la surface standard des salles de bains tend à augmenter proportionnellement.

Construire un appartement accessible, c’est utiliser le même type de matériaux et les mêmes techniques de construction, avoir recours aux mêmes prestataires. Ce qui va changer, c’est bien sûr le plan intérieur et certaines dispositions particulières (hauteur des prises, interrupteurs et lavabo...). Effectivement, cela demande de la part de l’architecte et du maître d’œuvre un certain effort conceptuel, mais ils ont à leur disposition toute une littérature spécialisée. Au final, cette singularité ne se chiffre qu’à la marge au regard du prix du foncier et du profit que se réserve le promoteur.

Toute adaptation personnalisée supplémentaire est à la charge de l’acquéreur (ou de son locataire) et n’intervient nullement sur le prix des autres appartements.

Certes, le hall de l’immeuble doit être de plain-pied et, dans le cas RC+4 ou plus, les caractéristiques de l’ascenseur (obligatoire de toute façon) conformes aux normes en vigueur. Quand bien même cela générerait un surcoût, il profiterait à tous les occupants de l’immeuble, leur garantissant confort et sécurité.

En revanche, l’impact humain de l’inaccessibilité se révèle, lui, catastrophique. Régulièrement, la presse locale se fait l’écho de situations dramatiques, par exemple ce locataire HLM victime d’un AVC et cloîtré chez lui depuis 2014 dans l’attente d’une hypothétique mutation vers un logement accessible correspondant à sa situation et à ses moyens financiers…

Ils ont dit : « Il faut arrêter avec les 100 % d’accessibilité, on fera des économies à la construction et les logements seront vendus moins cher » (un participant à un forum). « Ce n’est pas normal que les gens qui ne sont pas handicapés paient plus cher à cause de 2 % de handicapés » (un autre participant à un forum).

Il faut surtout arrêter de confondre coût de la construction, que tout promoteur cherche à réduire, et prix de vente de l’appartement, lequel est indexé sur le prix du marché immobilier ! 

Les normes d’accessibilité sont à respecter et à défendre...

 Sur fond vert, une main avec le pouce en l’air tient un petit panneau rond avec le signe de validation au milieu : c'est vrai !

Vrai !

En matière de construction neuve, de nombreuses normes sont imposées : normes thermiques, normes phoniques, normes électriques, eurocodes, normes parasismiques, normes d’accessibilité pour personnes handicapées... Toutes ces normes permettent d’harmoniser des pratiques et définissent des niveaux minimums de qualité et de sécurité. Elles sont donc à respecter et à défendre, même si les promoteurs les trouvent contraignantes et aimeraient pouvoir y déroger.

Les normes d’accessibilité, qui sont pourtant loin d’être les normes les plus contraignantes, sont les plus attaquées etn’ont cessé de faire l’objet de mesures d’assouplissement. Par exemple, aujourd’hui, les maîtres d’ouvrage peuvent recourir à des « solutions d’effet équivalent aux dispositions techniques d’accessibilité ». On autorise ainsi les chevauchements entre débattement de portes et cercle de rotation du fauteuil roulant. Le seuil intérieur des balcons, terrasses ou loggias accessibles est théoriquement limité à un ressaut de 4 cm, mais peut aller jusqu’à 15 cm pour les balcons ou loggias, 20 cm pour les terrasses dont le logement est muni d’une chape flottante associée à l’isolation, 25 cm pour les terrasses dans les autres cas... Pas besoin de demander une dérogation, il suffit de faire état de l’« impossibilité de réalisation ».

Malgré tout, les idées reçues ont la peau dure. Certains détracteurs stigmatisent toujours les normes d’accessibilité.

Ils ont dit :   « Des toilettes de 9 m2, c’est vraiment extravagant, ça donne un logement moche et hors de prix, moi je n’en voudrais pas » (un participant à un forum), « Dans mon immeuble, l’ascenseur a une étiquette en braille, c’est ridicule, personne ne lit le braille dans la montée »(un autre participant à un forum), « Nous sommes obligés de prévoir 11 m2 pour une chambre accessible alors que 9 m2 seraient suffisants pour une chambre standard »(un promoteur à la radio), « À cause de l’accessibilité, les chambres d’enfants ne font plus que 9 m2, les parents sont contraints de modifier les cloisons pour les agrandir »(le rapporteur du projet de loi ÉLAN lors d’un débat).

On pourrait répondre que qui peut le plus peut le moins, qu’une chambre de 9 m2 ce n’est souhaitable pour personne, que des toilettes plus spacieuses ou des couloirs plus larges permettent des rangements supplémentaires si l’on n’est pas handicapé, et qu’il est quand même plus facile de déplacer un rangement (meuble) que d’abattre une cloison (immeuble), surtout si l’on devient handicapé subitement donc sans avoir pu anticiper.

Vu le petit nombre de PMR, il y a bien assez de logements accessibles...

 Sur fond rouge, une main avec le pouce en bas tient un petit panneau rond avec une croix au milieu : c'est faux !Faux !

Selon les statistiques officielles, le nombre de personnes dites handicapées croît par an de 15 000 à la naissance, dont 7500 avec des lésions sévères et 1500 atteintes de paraplégie ou de tétraplégie à la suite d’un accident. Par ailleurs, 160 000 personnes sont victimes d’AVC chaque année, 150 000 sont victimes d’infarctus, 90 000 sont victimes d’une fracture du col du fémur — tous ces accidents de la vie entraînant souvent une grande réduction de mobilité. Quant aux personnes très âgées vivant à domicile, leur nombre a augmenté de 30 % entre 2006 et 2014.

Et quelle est l’offre actuelle en matière de logements accessibles ? La majorité des logements disponibles, à l’achat ou à la location, sont des logements anciens, construits avant la mise en place des normes et par conséquent inaccessibles aux PMR : marches à l’entrée, ascenseur trop petit ou à demi étage, portes et couloirs trop étroits...

Pour les logements plus récents, donc potentiellement accessibles, il faut distinguer les logements privés, plus onéreux à la location ou à l’achat, et les logements sociaux pour lesquels les délais d’attribution sont très longs. Beaucoup de personnes handicapées ont des ressources modestes et se tournent vers le logement social. Or, le secteur du logement social ne met en production chaque année que 23 000 appartements accessibles.

Le nombre de logements accessibles est aujourd’hui encore loin du compte, il importe qu’il progresse à hauteur des besoins en construisant beaucoup de nouveaux logements conformes aux normes d’accessibilité.

Le projet de loi ÉLAN remet en cause l’accessibilité universelle...

 Sur fond vert, une main avec le pouce en l’air tient un petit panneau rond avec le signe de validation au milieu : c'est vrai !

Vrai !

L’article 18 du projet de loi ÉLAN prévoit de diviser par 10 le nombre des logements neufs accessibles en instaurant un quota de 10 %. Les 90 % restants seraient « évolutifs », c’est-à-dire qu’ils pourraient à la demande être rendus accessibles par des « travaux simples et à moindre coût ».

En clair, l’évolutivité (90 %) deviendrait la norme et l’accessibilité, l’exception (10 %).

Cela vient contrer le principe de l’obligation d’accessibilité de tous les logements neufs promis par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. C’est un bond en arrière de plus de 40 ans, un renoncement à jamais au principe de l’accessibilité universelle.

Introduire des quotas c’est inopérant et discriminatoire...

 Sur fond vert, une main avec le pouce en l’air tient un petit panneau rond avec le signe de validation au milieu : c'est vrai !

Vrai !

Organiser l’offre de logements accessibles en fonction de quotas est totalement inadapté et discriminatoire. D’une part, cela restreint encore davantage la liberté de choix du locataire handicapé et le contraint à vivre dans des lieux qu’il n’aurait pas choisi autrement. D’autre part, cela amplifie pour lui la difficulté à trouver un appartement accessible libre dans le secteur privé et allonge encore les délais d’attente pour l’attribution d’un logement social.

En effet, le logement locatif privé est géré soit par le propriétaire directement, soit par l’intermédiaire d’agences immobilières. Ils sélectionnent le locataire de leur choix selon leurs propres critères, souvent financiers.

Le logement locatif social est attribué sur dossier, selon des critères de priorité, basés sur l’urgence et la situation familiale. Être PMR n’est qu’une priorité parmi beaucoup d’autres. Ainsi un T4 accessible pourra être proposé à une famille lambda en attente de logement plutôt qu’à une personne seule, même si elle est à mobilité réduite.

Par ailleurs, l’instauration de quotas, on l’a vu pour l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, n’offre aucune garantie de réalisation effective et ce taux de 10 %, dérisoire au regard des besoins en logements accessibles, sera facilement contourné à coup de dérogations. On peut parier que derrière le paravent de l’évolutivité, il ne restera bientôt plus grand-chose de l’obligation d’accessibilité, déjà mise à mal par l’ordonnance de 2014 sur les établissements recevant du public.

Un logement évolutif c’est mieux qu’un logement accessible...

 Sur fond rouge, une main avec le pouce en bas tient un petit panneau rond avec une croix au milieu : c'est faux !Faux !

Le projet de loi ÉLAN introduit un tout nouveau concept : le logement « évolutif ». Il s’agit d’un logement qui n’est pas reconnu accessible, mais qui doit pouvoir le devenir par un simple jeu de cloisons mobiles, quelques travaux simples et à moindre coût. À la construction, les normes d’accessibilité ne s’appliqueront qu’à une partie restreinte de l’unité de vie : le séjour et les toilettes. Le reste (cuisine, chambre, salle d’eau) devra « évoluer »avec des travaux dont ni la faisabilité ni le financement ne sont garantis.

Sur le papier, cela a l’air séduisant... Imaginons une personne en situation de handicap qui cherche à se loger :

==> Je m’appelle X, j’ai les moyens d’acheter ce logement « évolutif », mais non accessible qui est au cours du marché, donc très cher. Je fais effectuer les travaux (très simples et à moindre coût, mais facturés à prix d’or) et j’obtiens un logement qualifié « accessible », mais qui, au final, correspond moins à mes besoins et à mes goûts que si je l’avais acheté sur plan c’est à dire avant construction. Zut.

==> Je m’appelle Y, je n’ai pas les moyens d’acheter un logement. Je cherche donc à louer. Je ne trouve pas de logement accessible de libre et ce logement « évolutif »m’intéresse, bien que le loyer ne soit pas donné. Je me porte candidat(e), avec des garanties financières, mais je suis coiffé(e) au poteau par un autre candidat, 100 % valide, qui ne mettra pas l’appartement tout en chantier. Le propriétaire (privé) préfère. Zut.

==> Je m’appelle Z, je n’ai pas de gros moyens. J’attends depuis longtemps un logement social, de surcroît accessible pour pouvoir enfin vivre en autonomie. Si on me propose un jour un logement« évolutif », je vais devoir encore attendre, attendre, attendre que des travaux d’accessibilité soient réalisés. Zut.

Plus sérieusement, d’un point de vue technique, cela est-il réaliste ? Cela suppose que le maître d’ouvrage veuille bien jouer le jeu et ne rogne pas sur les normes d’accessibilité (déjà à minima) qui sont attendues. Peut-être... Cela suppose que les architectes prennent à cœur de proposer des configurations ingénieuses et cohérentes, ils en ont les compétences. Possible, mais le projet de loi ÉLAN permet de se passer des architectes pour la construction des immeubles sociaux... Cela suppose que les cloisons posées soient assez « fines et mobiles », ce qui pose la question de la (basse) qualité des matériaux utilisés et peut amener une moins-value de l’appartement, tout ça pour être démontées par des « travaux simples et à moindre coût », ce qui paraît plutôt illusoire.

En fait, le concept de logement évolutif propose un bricolage qui, faute de mieux, en satisfera quelques-uns et en mécontentera beaucoup. L’accessibilité ne sera jamais aussi satisfaisante que si elle avait été prévue à la construction.Surtout, elle sera à la charge financière de l’occupant ou de la collectivité lorsque l’occupant pourra bénéficier d’aides. Et qui peut croire qu’un logement dit évolutif sera moins cher à l’achat qu’un logement accessible ? Ce qui est sûr par contre c’est que le profit généré par un moindre coût à la construction ira dans la poche des promoteurs.

 On voit le plan d’un appartement de type T3, avec séjour, cuisine, chambres une (lit 2 places) et deux (plus petite, lit 1 place), cuisine, séjour, salle de bains, WC et entrée. L’unité de vie (grisée sur le plan) est constituée de l’ensemble des pièces de l’appartement, sauf la chambre deux. Les normes d’accessibilité n’imposent qu’une chambre accessible au minimum.

Exemple de plan de logement (T3) accessible

 

[1]  Les chiffres cités dans le présent document sont tirés de l’article de l’ANPIHM publié dans le Moniteur en date du 23 février 2018, article basé sur des données statistiques INSEE 2006-2014, et de l’avis du Défenseur des Droits en date du 11 mai 2018, avis où il demande le retrait de l’article 18 du projet de loi ÉLAN.

 

documents/documents%20divers/2018/Cdthed%20AccessLogem%20VraiFaux%20180630.pdf

documents/documents%20divers/2018/Cdthed%20AccessLogem%20VraiFaux%20180630 (doc)

 


 

 

 

 

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

Votre Assemblée va examiner le Projet de loi « portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » (ÉLAN), qui a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. 

À cette occasion, nous voulons attirer votre attention sur l’article 18 de ce texte qui prévoit de diviser par 10 le nombre des logements neufs accessibles en instaurant un quota de 10 % — les 90 % restants devant être « évolutifs ».

UNE OFFRE DE LOGEMENTS ACCESSIBLES « A PRIORI DÉJÀ TRÈS LIMITÉE ET INSUFFISANTE »

Rappelons au préalable que l’immense majorité des logements disponibles actuellement, sur le marché (achat, location) 30 millions environ, sont des logements anciens, construits avant la mise en place des normes d’accessibilité et par conséquent inaccessibles aux personnes à mobilité réduite : marches à l’entrée de l’immeuble, ascenseur en demi-étages, portes et couloirs trop étroits…

Et comme le rappelle le Défenseur des Droitsdans son avis en date du 11 mai 2018 où il demande le retrait de cet article 18 du projet de loi ÉLAN,la réglementation relative à l’accessibilité« a déjà fait l’objet de nombreux assouplissements ».

En effet, la réglementation autorise les maîtres d’ouvrage à déroger aux normes s’ils mettent en œuvre « des solutions d’effet équivalent garantissant l’accessibilité ». De plus, les propriétaires achetant sur plan ont également le droit de demander des adaptations dérogatoires aux normes d’accessibilité…

Par ailleurs, même si le logement privé locatif est soumis aux mêmes règles que le logement social, il reste qu’il est beaucoup plus onéreux que ce dernier et que l’immense majorité des personnes handicapées, bénéficiant de ressources modestes, voire seulement des minima sociaux, n’a pour seule ressource que de se tourner vers le logement social… Or, les délais actuels d’obtention, même pour les personnes prioritaires, peuvent atteindre entre 5 et 10 ans !

En effet, le secteur du logement social ne met en production chaque année que 23 000 appartements dont dans l’avenir, si l’article 18 du projet de loi ÉLAN était maintenu, seuls 2300 devraient répondre au quota de 10 % de logements HLM neufs — soit un appartement accessible pour 30 000 habitants, parmi lesquels 6600 personnes seront âgées de plus de 65 ans et 160 seront potentiellement victimes d’un AVC, d’un infarctus ou d’une fracture du col du fémur… (Évaluations effectuées à partir des chiffres INSEE, cf. l’article de l’ANPIHM publié dans le Moniteur en date du 23 février 2018.)

Remarque : la secrétaire d’État en charge des personnes handicapées a évoqué récemment la possibilité d’obliger la création d’un ascenseur dans les immeubles d’habitation collective RC+3, voire RC+2… Mais force est de constater que le Gouvernement s’est opposé lors des débats à l’Assemblée nationale à tout amendement allant en ce sens !

L’« ÉVOLUTIVITÉ »: UNE ACCESSIBILITÉ RABAISSÉE, POTENTIELLE SOURCE DE DISCRIMINATION

Selon l’exposé des motifs, il s’agit de « promouvoir l’innovation dans la conception de logements pour garantir leur évolutivité tout au long de la vie, plutôt qu’exiger que tous les logements soient accessibles. » Lors du passage du projet de loi en première lecture à l’Assemblée nationale, le gouvernement a présenté un amendement destiné à préciser la notion d’« évolutivité »censée s’imposer aux 90 % de logements non accessibles :

« La conception des logements évolutifs doit permettre la redistribution des volumes pour garantir l’accessibilité et faciliter l’adaptabilité ultérieure de l’unité de vie, à l’issue de travaux simples. Est considéré comme étant évolutif tout logement dans les bâtiments d’habitation collectifs répondant aux caractéristiques suivantes :

a) Une personne en situation de handicap doit pouvoir accéder au logement, se rendre par un cheminement accessible dans le séjour et le cabinet d’aisance, dont les aménagements et les équipements doivent être accessibles, et en ressortir ;

b) La mise en accessibilité partielle ou totale du logement est réalisable ultérieurement par des travaux simples. »

Il s’agira donc de logements simplement « visitables »… Et encore : pas question d’héberger à l’occasion un parent ou un ami handicapé de passage, il n’aura accès ni à la cuisine, ni à la salle de bain, ni à une chambre !

On nous dit que ces logements pourront être rendus accessibles « partiellement ou totalement »par des travaux « simples », précisés ultérieurement par un décret et un arrêté. Exemple : « abattre la cloison entre les toilettes et la salle de bains »… On nous précise que dans la salle de bain, le siphon devra être implanté de telle manière qu’une baignoire puisse être transformée en douche à fond plat…

Notons d’abord que de tels travaux, bien que« simples », seront coûteux avec notamment des reprises de peinture, de plafond, de carrelage et de plomberie, effectuées obligatoirement par des professionnels !

Mais aussi et surtout que les travaux nécessaires ne pourront se borner à cela, puisqu’il faudra assurer l’accès à au moins une chambre, à la cuisine, aux dégagements éventuels, et que tout ceci nécessitera le déplacement de nombreuses cloisons, et partant les travaux ne seront plus limités à une seule cloison, mais à la quasi-totalité des cloisons de l’appartement !

Certes, le gouvernement prévoit d’imposer la réalisation de ces travaux à la charge des bailleurs sociaux et de demander à l’ANAH (Agence NAtionale pour l’Habitat) de financer les travaux dans les logements appartenant aux bailleurs privés. Mais les travaux en question demanderont des délais importants (étude du problème, établissement de plusieurs devis, recherche de financements passant par des procédures longues et complexes, réalisation matérielle, reprise de malfaçons éventuelles…)

Et qui peut croire sérieusement qu’un bailleur privé n’écartera pas d’office le candidat locataire qui a besoin de travaux, même « simples », pour rendre accessible son logement ? Quand bien même ces travaux ne lui coûteraient rien, personne ne peut lui imposer de garder cet appartement en attente de location pendant la durée desdits travaux, sans percevoir le loyer auquel il peut légitimement prétendre. Le risque de discrimination est absolument évident !

UNE MESURE RÉTROGRADE, CONTRAIRE AUX ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE

La loi d’orientation n° 75-534 en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 a posé le principe de l’obligation d’accessibilité de tous les logements neufs, d’une part en abandonnant le principe des quotas qui avaient montré auparavant son inadaptation complète au problème, et d’autre part en définissant via ses textes d’application les normes actuelles, le tout confirmé par loi du 11 février 2005 dite « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».

Ces normes constituent encore aujourd’hui un socle minimum garantissant que ces logements sont directement habitables par des personnes à mobilité réduite sans travaux supplémentaires, tout en garantissant également un confort convenable pour les personnes dites « valides ».

Au contraire, le projet de loi ÉLAN réinstaurerait des quotas qui « auraient pour effet d’assigner une partie de la population à des lieux non choisis », comme le dénonce le CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées).

L’introduction de ce quota de logements est discriminatoire et en contradiction avec l’article 19 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), pourtant ratifiée par la France en 2010 : « Les États Parties à la présente Convention reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que les personnes handicapées aient la possibilité de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre et qu’elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier (...) ».

Concernant plus particulièrement l’accessibilité, la CIDPH précise : « Afin de permettre aux personnes handicapées de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie, les États Parties prennent des mesures appropriées pour leur assurer, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement physique (...) Ces mesures, parmi lesquelles figurent l’identification et l’élimination des obstacles et barrières à l’accessibilité, s’appliquent, entre autres : aux bâtiments, à la voirie, aux transports et autres équipements intérieurs ou extérieurs, y compris les écoles, les logements, les installations médicales et les lieux de travail (...) ».

Après le report aux calendes grecques de la mise en accessibilité des locaux de travail, après l’ordonnance de juillet 2014 qui a reporté la mise en accessibilité des ERP (Établissements Recevant du Public) et multiplié les motifs de dérogation, le projet de loi ÉLAN signerait un nouveau recul des droits des personnes en situation de handicap, malades, accidentées ou vieillissantes et de leurs familles, et un reniement de l’engagement pris par la France en ratifiant la CIDPH. 

Et tout porte à craindre que ce recul en appelle d’autres : les arguments avancés pour réduire nos droits en matière de logement pourraient très bien être repris dans d’autres domaines : emploi, école, ressources, etc.

LE SURCOÛT SOCIAL ÉNORME DE LA NON-ACCESSIBILITÉ

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

Le gouvernement invoque la nécessité de diminuer le prix de la construction pour favoriser la relance du logement en France… Or, « les coûts induits par la réglementation sur l’accessibilité sont largement inférieurs aux coûts des exigences thermiques et d’autres réglementations ainsi qu’à la hausse rapide du foncier ou aux fluctuations des marges commerciales », avaient souligné trois organismes officiels (Inspection générale des affaires sociales, Contrôle général économique et financier et Conseil général de l’environnement et du développement durable) dans un rapport en 2015 (cf. avis du Défenseur des droits, déjà cité).

Face aux coûts induits très faibles générés par les règles d’accessibilité, il faut considérer le surcoût social énorme de la non-accessibilité. Selon des estimations de l’INSEE, on compterait en France 12 millions de personnes présentant au moins une incapacité motrice, sensorielle ou intellectuelle. Une enquête de la DREES (Direction de la Recherche des Études de l’Évaluation et des Statistiques), publiée en juin 2018, a montré que 6 millions de seniors vivant à domicile souffrent d’au moins une limitation fonctionnelle sévère, les limitations physiques étant les plus répandues…

Certes, toutes ces personnes ne sont pas « han­dicapées »au sens usuel du terme, mais elles sont gênées dans leur vie quotidienne. En outre, les autres personnes qui sont actuellement parfaitement « valides »vont vieillir, et seront pour la plupart d’entre elles confrontées dans l’avenir à une ou plusieurs de ces incapacités. Ainsi, de nombreuses personnes devenues trop âgées et dépendantes pour avoir les ressources psychologiques leur permettant de se lancer dans des travaux ou des déménagements, sans parler des complications administratives et logistiques, finissent par rester cloîtrées chez elles, puis sont placées en catastrophe et prématurément en maison de retraite.

En conséquence, nous vous demandons de voter la suppression de l’article 18 du projet de loi ÉLAN et d’inviter vos collègues sénateurs à faire de même. Nous vous demandons également de soutenir tout amendement allant en ce sens.

Enfin, nous vous demandons de déposer un amendement pour abaisser à quatre niveaux (RC+3), au lieu des cinq niveaux actuels (RC+4), l’obligation d’installation d’un ascenseur dans les bâtiments d’habitation collective à construire, car la production actuelle d’appartements accessibles ne suffit pas à combler le retard pris par rapport aux besoins.

Sachez que nos adhérents et nous-mêmes serons très attentifs à votre vote lors de l’examen de ce texte au Sénat.

Dans l’attente, veuillez agréer, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, l’expression de nos sentiments distingués.

Les associations signataires:

  • Association Nationale Pour l’Intégration des personnes dites Handicapées Moteurs (ANPIHM)
  • Association nationale de défense des malades, invalides handicapés (AMI)
  • Comité pour le Droit au Travail des Handicapés et pour l’Égalité des Droits (CDTHED)
  • Coordination Handicap et Autonomie — Vie Autonome France (CHA-VA France)
  • Groupement Français des Personnes Handicapées (GFPH)
  • HANDI-SOCIAL
  • « Sans Rien » — Réseau de lutte contre la misère et la précarité

 

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