L'Article 36 de la Loi Montchamp n° 2005-102 du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des per­sonnes handicapées » a institué, à compter du 1er janvier 2006, un Fonds pour l'Insertion des Person­nes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP), codifié à l'Article L. 323-8-6-1 du Code du Travail. Le décret 2006-501 du 3 mai 2006 fixe les règles de constitution, de fonctionnement et de pi­lotage du FIPHFP.

Ce Fonds, commun aux trois versants de la Fonc­tion Publique (État, Territoriale et Hospitalière) ainsi qu’à la Poste, a pour objet d’imposer aux ad­ministrations qui ne respectent pas l'obligation d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés le ver­sement d'une contribution à un fonds analogue à celui géré par l'AGEFIPH (Association de GEstion du Fonds pour l'Insertion des Personnes Handica­pées) pour le Secteur Privé.

Le taux d'emploi des personnes handicapées dans les différentes fonctions publiques n'atteint pas pour le moment, pas plus que chez les employeurs privés, l'objectif légal de 6 % fixé en 1987. Pour la Fonc­tion Publique de l'État (hors Éducation Nationale), ce taux est de l'ordre de 4,8 % pour l'année 2004, et tombe à 4,1 % si on enlève les anciens militaires valides.

La mise en place du FIPHFP est censée permettre d'une part, d'atteindre progressivement cet objectif légal et, d'autre part, de présenter un « dispositif rénové et renforcé en matière de suivi et d'insertion des agents publics handicapés ».

Les crédits dont disposera le Fonds pourront être alloués aux employeurs publics pour financer no­tamment :

- Les aménagements des postes de travail.

- Les rémunérations versées aux agents chargés d'accompagner une personne handicapée dans l'exercice de ses fonctions professionnelles.

- Les aides versées par les employeurs publics afin d'améliorer les conditions de vie des travailleurs handicapés pour faciliter leur insertion profes­sionnelle.

- La formation et l'information des travailleurs handicapés.

Le FIPHFP conclura par ailleurs des accords avec les organismes contribuant, par leur action, à l'in­sertion professionnelle des personnes handicapées dans la Fonction Publique, et notamment avec l'AGEFIPH.

Le Fonds devrait recevoir en 2006, au terme de sa première collecte, plus de 50 millions d'euros en provenance de plus de 13 000 employeurs des fonc­tions publi­ques nationale, territoriale et hospitalière. À terme, le montant total des sommes perçues de­vrait atteindre 200 millions d'euros par an. (La Loi instaure une collecte pro­gressive des contribu­tions jusqu'en 2010).

Les premiers paiements seront effectués à l'au­tomne 2006. En effet, le Comité National du FIPHFP et les comités locaux doivent être installés auparavant. Ils sont indispensables pour valider les conditions de demandes de financement ainsi que leur attribution.

Le Fonds est un établissement public placé sous la tutelle de l'État (Fonction Publique, Intérieur, Santé, Budget). Sa gestion est confiée à la Caisse des Dé­pôts. Les grandes orientations, particulièrement cel­les relatives à l'utilisation des crédits du Fonds, sont définies par un Comité National, organe délibérant du Fonds qui dispose également de 26 comités ré­gionaux pour une action locale de proximité.

Tous les comités sont « tripartites » : employeurs des trois fonctions publiques, organisations syndi­cales et associations de personnes handicapées. 

C'est le Comité National qui définit les orienta­tions stratégiques du Fonds et la répartition de ses crédits d'intervention entre les 26 comités locaux pour cha­cune des trois sections (État, Territoriale, Hospita­lière). Le Comité National comporte 17 membres titulaires, et autant de suppléants, nommés par ar­rêté conjoint des ministres chargés de la Fonc­tion Publique de l'État, de la Fonction Publique Ter­rito­riale, de la Fonction Publique Hospitalière et du Bud­get :

- 7 représentants des employeurs (3 pour l'État, 3 pour la Territoriale, 1 pour l'Hospitalière).

- 7 représentants des personnels (CFDT, CGT, FO, FSU, UNSA, CFE-CGC, CFTC).

- 3 représentants des associations proposés par le CNCPH (Conseil National Consultatif des Per­sonnes Handi­capées). 

Assistent également aux séances, sans voix délibé­rative :

- Les ministres exerçant la tutelle de l'établisse­ment public FIPHFP ou leurs représentants, c’est-à-dire les ministres chargés de la Fonction Publique de l'État, de la Fonction Publique Ter­ritoriale, de la Fonction Publique Hospitalière, et du Budget.

- Trois personnalités qualifiées en raison de leur compétence dans le domaine du handicap, dési­gnées par arrêté conjoint des ministres exer­çant la tutelle de l'établissement.

- Le directeur de l'établissement public FIPHFP ou son représentant.

- Le membre du corps du contrôle général écono­mique et financier.

- L'agent comptable de l'établissement public FIPHFP.

- Un représentant de la Caisse des Dépôts, ges­tionnaire administratif du FIPHFP. 

Les membres du Comité National sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une fois, exceptés les représentants des employeurs de la Fonction Publique Territoriale nommés pour 6 ans renouvelable une fois. Le comité choisit parmi ses membres, à la majorité des suffrages exprimés, un président et un vice-président. 

 

II est institué dans chaque région un comité local composé de 17 membres nommés par arrêté du pré­fet de région pour une durée de trois ans, renouvela­ble une fois, excepté les représentants des em­ployeurs de la Fonction Publique Territoriale nom­més pour 6 ans renouvelable une fois. La composi­tion des comités locaux s'inspire de celle retenue pour le Comité National.

Ce sont :

- Les travailleurs reconnus handicapés par la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) ;

- Les victimes d'accidents du travail ou de mala­dies professionnelles ayant entraîné une incapa­cité permanente au moins égale à 10 % et titulai­res d'une rente ;

- Les titulaires d'une pension d'invalidité à condi­tion que l'invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

- Les anciens militaires et assimilés, titulaires d'une pension militaire d'invalidité ;

- Les titulaires d'une allocation ou d'une rente d'in­validité des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ;

- Les titulaires de la Carte d'invalidité ;

- Les titulaires de l'AAH (Allocation aux Adultes Handi­ca­pés) ;

- Les agents reclassés ;

- Les agents qui bénéficient d'une allocation tem­poraire d'invalidité. 

Rappel : Sont reconnues comme bénéfi­ciaires de l'obligation d'emploi au titre des 6 % les personnes ci-dessus, ainsi que : les veuves de guerre, orphelins de guerre, femmes d'invalides de guerre dans certai­nes conditions ; les anciens militaires valides recru­tés par la voie des emplois réservés.

Peuvent faire l'objet de financements par le Fonds les actions suivantes proposées par les employeurs publics :

- Les aménagements des postes de travail et les études afférentes effectués avec le concours du médecin chargé de la prévention ou du médecin du travail et des instances compétentes en ma­tière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail ;

- Les rémunérations versées aux agents chargés d'accompagner une personne handicapée dans l'exercice de ses fonctions professionnelles ou les prestations équivalentes servies par des orga­nismes de droit privé ;

- Les aides versées par les employeurs publics afin d'améliorer les conditions de vie, au sens du dé­cret du 6 janvier 2006 susvisé, des travailleurs handicapés qu'ils emploient et destinées à facili­ter leur insertion professionnelle ;

- Les aides que les employeurs publics versent à des organismes contribuant, par leur action, à l'insertion professionnelle des personnes handi­capées dans la Fonction Publique ;  

- La formation et l'information des travailleurs handicapés ;

- La formation et l'information des personnels sus­ceptibles d'être en relation avec les travailleurs handicapés ;

- Les outils de recensement des bénéficiaires de l'obligation d'emploi mentionnés au deuxième alinéa de l'Article L. 323-4-1 du Code du Tra­vail ;

- Les dépenses d'études entrant dans la mission du Fonds.

- Les adaptations des postes de travail destinés à maintenir dans leur emploi les agents reconnus inaptes.

Il est frappant de constater que le FIPHFP verse des aides uniquement à l’employeur et à l’encadrement, et pas au travailleur handicapé ! C’est là une différence majeure avec l’AGEFIPH qui, elle, finance dans certains cas des aides person­nelles au salarié handicapé (aménagement de voiture par exemple)…

La composition du Comité National et des comités locaux est inédite dans le Secteur Public, habituel­lement organisé de manière strictement pa­ritaire. En effet, le statut de la Fonction Publique ne connaît qu'un dialogue social bipartite : les employeurs d'une part, les représentants des employés d'autre part. Ce texte, au contraire, instaure une « représentation » spécifique des handicapés par les associations… Il risque de permettre aux em­ployeurs d’utiliser les associations contre les syndi­cats, comme cela se fait souvent (par exemple) dans les conseils d’administration des hôpitaux.

Rappelons en effet que les organisations syndica­les, à la différence des associations, représentent tous les per­sonnels, y compris les personnes handi­capées. De plus, les syndicats sont confrontés à des élections qui permettent de fixer objectivement leur repré­sentativité. Par contre, la « représentativité » des associations est totalement définie (via la com­posi­tion du CNCPH) à la discrétion de l’État, donc de l’employeur ! D’ailleurs, lors de la séance d'ins­tallation qui sui­vait l’inauguration du FIPHFP, c’est la déléguée ministérielle aux personnes handicapées au Minis­tère de la Justice, une représentante de l’État-patron, qui a été élue présidente du Comité National. 

La Fédération Générale des Fonctionnaires FO a publié, dans une circulaire en date du 18 avril 2006, une série de chiffres précis fournis par le Ministère de la Fonction Publique lors de la réunion de la Commission Centrale d’Hygiène et Sécurité (CCHS) du 6 avril 2006.

Signalons d’abord que le Ministère fournit, pour l’année 2004, une évaluation de 4,8 % en ce qui concerne le taux de travailleurs handicapés dans la Fonction Publique (hors Éducation Nationale). La FGF-FO relève que, dans ce quota de 4,8 %, le Mi­nistère compte (en toute légalité) les militaires vali­des, qui sont au nombre de 6 799 en 2004. Le vérita­ble taux, en enlevant les valides, n’est plus que de 4,1 %.

Rappelons en effet que dans le quota réglemen­taire de 6 % de travailleurs handicapés instauré par la législation antérieure au 11 février 2005, la Loi Montchamp compte toujours, comme dans le Sec­teur Privé, de faux handicapés, à savoir les anciens mi­litaires valides qui bénéficient encore du système dit des « emplois réservés »… [1] Dans les faits, la Fonc­tion Publique est le plus gros employeur d'an­ciens militaires, ce qui conduit à ce que 17 % des person­nes comptabilisées comme handicapées dans la Fonction Publique de l'État sont des anciens mi­litai­res valides !

La FGF-FO a souligné également « l’effet mira­culeux » du FIPHFP : alors que les chiffres sta­gnaient depuis plusieurs années (3,6 % en 2002, 3,6 % en 2003), on assiste à un « saut quantitatif » impressionnant en 2004 : 4,1 % (hors Éducation Nationale)... Les ministères auraient donc découvert « subitement », l’année de la mise en place de la sanction financière du FIPHFP, un nombre impres­sionnant de personnes handicapées « inconnues jusqu’alors ».

En effet, c’est sur la masse des effectifs en place que les chif­fres ont énormément augmenté :

+ 28 % d’agents inaptes et reclassés, ce chiffre est vraisemblablement très surévalué.

+ 20 % d’« équivalents bénéficiaires », c’est-à-dire de contrats passés avec des établissements pro­tégés…

+ 12 % de personnes handicapées, pour la plupart déjà en poste auparavant.

En revanche, les recrutements stagnent quasi­ment : + 4 % seulement, et le nombre de recrute­ments par contrat baisse : de 881 en 2003, ils pas­sent à 758 en 2004 ! Et dire que la Fonction Publi­que a tout misé sur ce type de recrutement, en sup­primant les em­plois réservés …



[1] Ce système a par contre été supprimé pour les handica­pés, suite à l’accord signé par le gouvernement et cer­tains syndicats minoritaires de la Fonction Publique, le 9 octobre 2001.

Ce Ministère est le plus gros employeur de la Fonction Publique et même de toute la France. La question de l’emploi des travailleurs handicapés dans ce secteur a donc valeur de test politique ma­jeur… Or, le Ministère de l’Éducation Nationale n’a jamais recensé les travailleurs handicapés. En 2004 il a tenté un dénombrement « par sondage », ce qui donne un taux de 3,3 %, militaires valides compris, et devrait conduire à un taux de 2,6 % sans les mili­taires valides, selon la FGF-FO. Si l’on recal­cule le taux global, tous ministères confondus, en intégrant cette fois-ci l’Éducation Nationale, cela donne 4,05 % avec les militaires valides, et 3,35 % seule­ment sans les militaires valides !

Plus fort encore… Les Auxiliaires de Vie Scolaire (AVS) sont maintenant comptabilisés comme s'ils étaient des agents handicapés ! L'Article 137 de la Loi de Finan­ces 2006 prévoit de décompter le finan­cement des AVS du montant de la contribution due par l’Éducation Nationale.

Ainsi, selon la Commission des Affaires Sociales du Sénat, le Ministère de l'Éducation Nationale de­vrait verser au FIPHFP, pour non respect du quota d'emploi, la somme de 36,6 millions d'euros en 2006, 73,2 en 2007 et 109,8 en 2008 (la Loi s’appliquant progressivement). Or, grâce à cette disposition de la Loi de Finances, l'Éducation Na­tionale ne paiera en 2006 que 4,7 millions d'euros !