Les chicanes fixes posent a priori moins de problèmes... À condition de respecter les normes réglementaires qui prévoient une largeur de passage de 140 cm et une aire de rotation de 150 cm.
Malheureusement, trop de municipalités prétendent définir elles-mêmes leurs propres règles et installent des barrières sélectives beaucoup plus resserrées, en toute illégalité... Ce fut le cas, notamment, de la Ville de Grenoble qui en a posées en 2008 dans un quartier emblématique de l'histoire de l'accessibilité en France : le quartier de la Villeneuve.
Depuis, quelques améliorations ont été apportées au modèle initial, mais ces chicanes ne sont toujours pas conformes à l’Arrêté du 15 janvier 2007 qui stipule dans son article 1er, au paragraphe 3° : « La largeur minimale de cheminement est de 1,40 mètre libre de mobilier ou de tout autre obstacle éventuel. Cette largeur peut toutefois être réduite à 1,20 mètre en l'absence de mur ou d'obstacle de part et d'autre du cheminement. »
Rappelons que les dimensions indiquées par les textes sont non seulement précises, mais nécessaires, car en l'absence de dimensions chiffrées toute prescription ne peut qu'être soumise aux aléas d'interprétations diverses et variées… Il s'agit donc d'une prescription technique minimum.
Certes, le paragraphe 6° e du même article 1er de l’Arrêté précité stipule que « si un cheminement pour piétons comporte un dispositif de passage sélectif, ou "chicane", sans alternative, ce dispositif permet le passage d'un fauteuil roulant d'un gabarit de 0,80 mètre par 1,30 mètre ». Mais, il s'agit non pas d'une tolérance ou d'une exception venant vider de sa substance le principe de largeur minimum édicté plus haut par l'arrêté, mais simplement d'une « dérogation », strictement limitée au « cas d’impossibilité technique » (cf. article 2 du même Arrêté).
Or, concernant les dispositifs incriminés, on ne peut pas parler « d’impossibilité technique », car ils sont en général installés sur des cheminements accessibles… et rendus non accessibles précisément par eux ! Quant au motif allégué, l'interdiction pour les véhicules motorisés de circuler sur ces espaces publics, il s'agit d'une mesure réglementaire qui s'impose aux conducteurs. Il incombe donc aux pouvoirs publics et aux municipalités de se donner les moyens pour faire face à leur mission d'ordre public, et ce dans le respect des libertés individuelles, dont celle pour les handicapés de circuler librement.
Par le biais de l'installation de chicanes, certaines municipalités reportent, de fait, sur les passants handicapés, minoritaires, la sanction d'une réglementation non respectée, tout en leur opposant le soi-disant « intérêt général » des passants non-handicapés, majoritaires… Cette attitude est constitutive d'une véritable discrimination à l'égard des handicapés.
Les tests ne peuvent servir qu‘à aller au-delà de l’accessibilité minimale édictée par la réglementation, et non pas à la contourner.
Les intérêts de tous les citoyens doivent être pris en compte, y compris et surtout ceux des citoyens les plus fragilisés. Il convient de rappeler aux élus concernés que pour les handicapés la possibilité de circuler librement dans leur quartier et leur ville n’est pas une question secondaire et ne peut pas faire l'objet de « négociations », ou de prétendus « compromis », dont ils seraient inévitablement les seules victimes !
En conclusion, nous demandons aux municipalités et agglomérations concernées de retirer toutes les barrières sélectives qui ne respectent par la règle ci-dessus énoncée au 3° de l’article 1er de l’Arrêté du 15 janvier 2007 à savoir « La largeur minimale de cheminement est de 1,40 mètre libre de mobilier ou de tout autre obstacle éventuel ». Et nous demandons au gouvernement et aux préfets de faire respecter cette règle.
À la Villeneuve de Grenoble, en 2008, on a rajouté du handicap au handicap...
Une fausse bonne idée...
Chicane mobile en U oscillant « Optimum+ » de la société Semco
Présenté abusivement comme « accessible aux handicapés », ce système rotatif, qui a fait l'objet d'un brevet, est le pire de tous. On ne peut franchir seul cet obstacle que lorsque l’on a suffisamment de mobilité et de force physique pour pouvoir exécuter une série de manœuvres simultanées : tirer à soi le tourniquet et reculer, puis avancer et débuter un quart de tour, engager le fauteuil dans l’habitacle sans le heurter ou se coincer les cales pieds et tout de suite rectifier sa trajectoire, s’extraire habilement du sas tout en poussant le tourniquet. Un fauteuil très compact est donc tout aussi nécessaire qu’un bon usage de ses bras et une certaine dextérité. Mais même dans ce cas de figure, le fait de réussir le passage non pas juste une fois de temps en temps, mais tous les jours, y compris quand il pleut, qu’il fait froid, qu’il fait nuit, qu’on est fatigué, etc., relève du miracle de Lourdes !
Beaucoup de passants, utilisateurs de fauteuil manuel ou électrique, de béquilles ou de cannes, ou encore aveugles avec chien guide ou canne blanche, de ce fait vulnérables dans leurs déplacements et donc déjà victimes potentielles de la circulation des motos, se retrouvent, en prime, victimes de ce système de chicane complètement inadapté.
Contre toute régression de l’accessibilité
Pour les fournisseurs, les barrières sélectives remplissent efficacement leur rôle, ce qui est faux ainsi que l'on peut le constater en visitant les installations déjà réalisées. Quant aux désagréments occasionnés, des améliorations sont proposées : pose d’amortisseurs ou de bordures en plastique pour ne pas abimer les fauteuils roulants, réglages du système de tourniquet pour les personnes ne pouvant s’aider de leurs mains, etc. Ces « solutions » sont aussi efficaces que la pose d'un emplâtre sur une jambe de bois...
On peut s’interroger sur la volonté têtue de certaines municipalités d'acheter très cher des mécaniques aussi pénalisantes, alors même que d’autres solutions, moins chères et plus respectueuses des personnes handicapées, existent. La technique habituelle pour dissuader l’invasion des 2 roues motorisés consiste non pas à les empêcher à tout prix de passer, ce qui est impossible, mais à casser leur vitesse de manière dissuasive. Les chicanes fixes traditionnelles, par exemple, remplissent cette fonction, sans pénaliser les fauteuils roulants, dès lors qu’un certain espacement est respecté. Elles ralentissent considérablement les scooters et mini motos et interdisent l'accès aux grosses cylindrées et aux quads.
Par ailleurs, c’est aussi le rôle de la police municipale de s’occuper de ces questions. Elle est habilitée à intervenir le cas échéant. Trop cher tout ça ? Peut-être, car l’équipement installé permet de faire l’impasse sur les solutions humaines de surveillance et de médiation. Toutefois, c’est un matériel lourd qui a aussi son coût. La pose de chaque U oscillant revient grosso modo à 3000 euros hors taxe, à ajouter au prix des autres éléments du dispositif. Compte tenu de la configuration des lieux, le risque de vandalisme est élevé. Cela suppose donc un budget d’entretien et de réparation pour ne pas se retrouver un jour ou l’autre avec des installations hors service, pour le coup totalement infranchissables.
Les chicanes mobiles seraient-elles devenues l’arme absolue contre l’invasion anarchique des motos et des scooters ? Peu probable… En revanche, elles constituent de vilains pieds de nez à tous les efforts de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics, une véritable régression. Elles sont installées au mépris de la réglementation sur l’accessibilité.
Le CDTHED réclame donc le retrait de toutes les chicanes mobiles existantes.
Exemple de chicane mobile, obstacle infranchissable pour certains handicapés
La chicane : une barrière sélective
Dans la famille des chicanes, on trouve des modèles de toutes sortes. Il y en a des fixes, les croix de Saint-André par exemple, et des mobiles comme les U oscillants. Le but affiché est identique : interdire l’accès aux voitures, quads, motos, scooters. Le piéton, lui, peut franchir la chicane, mais son cheminement est ralenti. Lorsque la chicane est fixe, il devra slalomer entre les obstacles de ce nouveau passage en zigzag. Si la chicane est mobile, il tirera à lui la barrière, s’engagera dans le tourniquet, puis en sortira en poussant le portillon. Le passant sportif ou facétieux s’amusera de ce nouveau terrain de jeu : escalade, balançoire, cheval d’arçons, chat perché, cochon pendu, etc. En revanche, la nounou poussant landau, la ménagère encombrée d’emplettes, le violoncelliste et son instrument, le cycliste sur sa bécane, le déménageur du dimanche, bref tout quidam gêné dans sa mobilité, pestera et, autant que possible, changera d’itinéraire.
Mais, puisqu’après tout, il s’agit d’évincer les véhicules dangereux, bruyants et polluants pour rendre l’espace aux promeneurs et aux enfants, la chicane apparaît souvent comme un moindre mal. En cas de nécessité absolue - le feu, une inondation, un glissement de terrain, une émeute, la guerre - une clé permet d’ouvrir en grand le passage, laissant la voie libre aux véhicules de secours et d’entretien.
La chicane joue donc un rôle de barrière sélective pour réduire les nuisances provoquées par les 2 (ou 4) roues motorisés. Oui, mais voilà, cette nasse chargée de stopper le gros calibre, piège aussi un petit véhicule bien inoffensif : le fauteuil roulant…
Le fauteuil roulant : que dit le Code de la Route ?
Du moment que sa vitesse n’excède pas les 6 km/heure, l’utilisateur d’un fauteuil roulant, manuel ou électrique, est considéré comme un piéton. À ce titre, la loi le reconnaît donc comme le plus faible des usagers de la route et le soutient contre le plus fort, l’automobiliste, accusé d’amener l’objet dangereux, la voiture, dans l’espace public. Lorsque le trottoir ou l’accotement n’est pas « normalement » praticable, il peut en toute légalité circuler sur la chaussée et par extension sur les bandes cyclables en principe réservées aux cyclistes. Il doit traverser la chaussée en empruntant un passage piéton, lorsqu’il y en a un à moins de 50 mètres et l’automobiliste est alors tenu de lui céder le passage.
Dans la pratique, l’utilisateur de fauteuil est bien plus vulnérable que le piéton valide. Certes, ils partagent les mêmes obligations légales, sous peine d’amende (dans les textes) ou plus simplement s’ils veulent rester en vie : ne pas se jeter inconsidérément devant les voitures, tenir compte de la visibilité ainsi que de la vitesse et de la distance des véhicules, se déplacer (sauf impossibilité flagrante) sur le trottoir, le bas côté, le passage piéton. En revanche, au chapitre des avantages, le piéton gagne haut la main. Il chemine plus longtemps à l’abri, en clair hors de la chaussée, car il peut prestement : se faufiler, contourner l’obstacle (poteau, poubelle, échafaudage, travaux, voiture mal garée, attroupement), éviter les trous, franchir les bosses et les dévers, descendre et remonter vite - vite de n’importe quel endroit du trottoir, ignorer les débris de verre, changer à volonté de côté, monter des marches, enjamber des murets, couper à travers les pelouses, etc. L’utilisateur de fauteuil roulant prend de plein fouet toutes les embûches et de plus, comme il avance assis, sa visibilité est réduite. Il lui arrive souvent de ne pas pouvoir du tout esquiver l’obstacle. Au mieux, il fait alors demi-tour et cherche un autre itinéraire en marge de la circulation routière. Au pire, il prend le risque de partager, avec l’automobiliste, le motard et le cycliste, le seul endroit plan carrossable : le milieu de la chaussée.
La personne en fauteuil roulant qui se déplacerait à plus de 6 km/heure serait dans la situation d’un cycliste. Le cas est assez improbable en ville. Toutefois, le législateur y a pensé et lui impose alors, comme aux vélos, de circuler hors du trottoir, autrement dit sur la chaussée ou sur une voie réservée, en respectant les règles du Code de la Route. Pour la circulation de nuit, il paraît logique de prévoir un équipement de type bicyclette : feux avant et arrière, en plus des catadioptres montés d’origine. Là encore, dans la pratique, le fauteuil roulant est exposé à davantage de risques que le vélo. Il est moins maniable, moins réactif, moins rapide, plus encombrant. Surtout, il fait corps avec son conducteur. Impossible pour la personne handicapée, de descendre de sa bécane en cas de crevaison, d’ennui mécanique ou d’obstacle infranchissable, de planter là son engin ou encore de le porter à bout de bras pour continuer, à pied, son chemin.
Qu’il soit perçu comme un piéton ou comme un cycliste, le promeneur en fauteuil roulant prend très souvent de gros risques. Il rencontre dans chacun de ses déplacements un lot impressionnant de dangers et de tracasseries. Il est donc obligé de sélectionner un certain nombre d’itinéraires lui permettant, non pas d’aller au plus court, mais d’éviter les pièges (trottoir impraticable, bateau casse-gueule, intersection mortelle, dévers important…). À ces embûches dûment répertoriées par l’expérience, s’ajoutent les mauvaises surprises du jour. Il est donc primordial que la politique urbaine d’accessibilité soit cohérente.