Minibus pour PMR du Grand Dijon (photo Diviaccès)
Le CDTHED a décidé de saisir M. Jacques Toubon, Défenseur des Droits, à propos de diverses discriminations concernant les usagers handicapés des TPMR (Transports pour Personnes à Mobilité Réduite). Outre Lyon (Optibus) que nous avons pris pour exemple, d'autres agglomérations sont sur la sellette : Paris (Pam 75), Dijon (Diviaccès), etc.
=> Nous vous invitons à nous faire connaître la situation dans votre localité, afin que nous puissions compléter ce dossier.
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Monsieur le Défenseur des droits,
Nous voulons vous saisir de graves problèmes de discrimination posés par les services TPMR (Transport de Personnes à Mobilité Réduite) de plusieurs grandes agglomérations françaises, notamment Paris, Lyon et Dijon pour n’en citer que quelques-unes. Dans ce qui suit, nous prendrons Lyon pour exemple afin de ne pas alourdir nos explications.
1 - Exclusion des usagers handicapés non-résidents
Les règlements de ces services mis en place par les AOTU (Autorités Organisatrices de Transport Urbain) de ces agglomérations réservent souvent leur accès aux usagers handicapés résidant sur leur territoire géographique. Ainsi, le règlement du service TPMR de la Métropole Lyonnaise, Optibus, stipule dans son article 3 (Conditions d’accès au service) :
« Le service Optibus est réservé exclusivement aux personnes ayant un handicap moteur ou visuel permanent ou temporaire (nécessitant l’usage d’un fauteuil roulant dans le cas d’un handicap moteur) et résidant sur le territoire du Grand-Lyon et les autres communes desservies par le réseau TCL. »
NB : Les règlements des services TPMR de Paris (PAM 75) et Dijon (DiviAccès) en font de même.
À l’évidence, il s’agit d’une discrimination avec les usagers valides des transports en commun placés sous la responsabilité de ces AOTU, puisqu’on ne demande pas de justificatif de domicile à ces usagers non handicapés.
Pour ne prendre en charge que les seuls usagers handicapés résidants, on ne peut pas mettre en avant l’argument selon lequel les transports des usagers handicapés seraient subventionnés : en effet, ces mêmes AOTU subventionnent les transports des usagers valides même lorsque ceux-ci habitent très loin de leur périmètre... Par exemple, les touristes chinois et américains ont pleinement accès aux réseaux de toutes les villes françaises !
On ne peut pas non plus mettre en avant l’argument selon lequel les TPMR sont généralement utilisés pour des déplacements point à point, et non pas d’un arrêt de ligne à un autre, parce que leurs usagers sont des usagers captifs, qui n’ont pas d’autres solutions que de recourir à ces services du fait précisément de leur handicap.
Les conséquences concrètes de cette discrimination sont, notamment, les suivantes :
- Les visiteurs handicapés se trouvent dépourvus de solutions pour voyager. Certes, il existe souvent, mais pas toujours, des services TPMR privés (par exemple à Paris ceux de la compagnie G7), mais le coût en est beaucoup plus élevé.
- Dans certains cas, c’est même l’accès à l’emploi ou aux études qui est hypothéqué. Si par exemple un salarié handicapé, habitant dans une ville extérieure au périmètre de l’AOTU concernée, mais travaillant dans l’agglomération placée sous la responsabilité de cette même AOTU, doit utiliser le train pour se rendre dans cette agglomération, il ne pourra pas bénéficier du transport PMR pour se rendre de la gare à son lieu de travail...
Nous vous demandons de mettre fin à cette discrimination en exigeant de toutes les AOTU, ainsi que de leur union au plan national, le GART (Groupement des Autorités Responsables de Transport), qu’ils ouvrent l’accès de tous les services TPMR à tous les usagers qui, du fait de leur handicap, ne peuvent pas utiliser régulièrement les transports en commun dans les mêmes conditions de confort et de sécurité que les usagers valides - cela sans considération de domicile et bien entendu avec les mêmes tarifs que ceux appliqués aux usagers handicapés résidants.
2 - Discrimination par rapport à l’âge et par rapport au type de handicap
Comme on l’a vu plus haut, les seuls handicapés moteurs pris en charge par Optibus sont ceux qui se déplacent en fauteuil roulant. Or il existe des handicapés moteurs qui ne se déplacent pas en fauteuil roulant, mais ne peuvent pas utiliser les transports ordinaires du fait de leur handicap (déambulateur, trouble grave de l’équilibre, etc.) sans se mettre en danger.
De plus, le règlement Optibus stipule, toujours dans son article 3 :
« Le service Optibus ne prend pas en charge : les trajets des personnes dont le handicap relève de la dépendance liée exclusivement à l’âge ».
C’est la double peine : non seulement ces personnes sont devenues handicapées, mais de plus on les confine chez elles ! Cette autre discrimination est particulièrement choquante au moment où l’on parle d’« adapter la société au vieillissement » !
Nous vous demandons de mettre fin à cette discrimination en exigeant des AOTU concernées, ainsi que du GART, qu’ils ouvrent l’accès de tous les services TPMR à tous les usagers qui en ont besoin du fait de leur handicap, quel que soit ce handicap ou sa cause, et sans restriction liée à l’âge.
3 - Impossibilité de contester un refus d’admission
D’une ville à l’autre, les conditions d’accès aux services TPMR varient considérablement : certains exigent que l’usager soit titulaire de la Carte d’invalidité, d’autres non... Parfois même, il faut payer pour faire sa demande ! Ainsi, le règlement Optibus stipule, encore dans son article 3 :
« Le passage devant la commission d’accès est soumis à une participation financière du demandeur qui lui sera remboursée en cas d’avis favorable sous forme de titres de transport. Seule la commission d’accès composée de techniciens du service, d’un médecin, d’un ergothérapeute et du SYTRAL donne l’accord d’éligibilité au service Optibus. »
Cette commission ne présente pas de garanties d’indépendance, et l’usager handicapé n’a aucun moyen de recours. Or, un refus peut être lourd de conséquences pour lui en le privant de moyen de transport pour la vie quotidienne : travail, études, loisirs et participation à la vie sociale, etc.
Nous vous demandons de mettre fin à cette discrimination en exigeant des AOTU concernées, ainsi que du GART qu’ils prévoient une procédure de recours devant une instance indépendante en cas de refus d’admission. Il va de soi que la demande d’admission et le recours doivent être entièrement gratuits pour l’usager handicapé postulant au service TPMR.
4 - Exigences abusives (intrusion dans la vie privée)
Certains règlements prévoient une hiérarchie dans les motifs de déplacements, et donc de demander à l’usager handicapé d’indiquer le motif de son déplacement, sous peine d’être considéré non prioritaire et donc refusé. Ainsi, le règlement Optibus stipule dans son article 7 (Prise en charge des déplacements selon leurs motifs) :
« Le service est organisé de façon à répondre en priorité à tout déplacement pour :
- Se rendre sur son lieu de travail, d’études ou de formation professionnelle ;
- Recevoir des soins médicaux (autres que ceux liés à la pathologie du client).
Les autres motifs de déplacements de types loisirs sont pris en compte dans la limite des places disponibles et en fonction des contraintes horaires liées au déplacement (manifestation sportive - spectacle - courses - promenades...).
De façon à organiser au mieux le service, l’exploitant peut demander au client son motif de déplacement. Si le client ne souhaite pas indiquer son motif de déplacement, sa demande sera prise en compte comme un trajet de type loisirs sans contrainte horaire. »
NB : On retrouve une clause analogue dans le règlement du service TPMR de Paris (PAM 75).
Ici, on cumule la discrimination et l’intrusion dans la vie privée ! Imagine-t-on un chauffeur d’autobus interroger des usagers valides sur le motif de leur déplacement pour trier ceux qui doivent monter en premier ? Rappelons que ces usagers handicapés n’ont pas le choix : pour se déplacer, ils ont besoin de recourir aux TPMR.
Nous vous demandons de mettre fin à cette discrimination en exigeant des AOTU concernées et du GART la suppression, dans les règlements TPMR, de telles dispositions qui placent les usagers handicapés dans une situation d’infériorité particulièrement humiliante et l’harmonisation des règlements afin d’éviter de telles discriminations.
Bien évidemment, nous nous tenons à votre disposition pour vous fournir tout renseignement complémentaire, et le cas échéant à vous rencontrer personnellement afin de discuter de cette question.
Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Défenseur des droits, nos respectueuses salutations.
Pour le CDTHED, le Président : Henri Galy
Pièce jointe : Règlement d’exploitation Optibus (Métropole Lyonnaise).
Télécharger la lettre au Défenseur des Droits du 17 mars 2016 (pdf)
Télécharger la lettre au Défenseur des Droits du 17 mars 2016 (doc)
Télécharger le règlement d'exploitation du Service Optibus (Lyon) en date du 1er février 2014
Télécharger le règlement d'exploitation du Service Pam 75 (Paris) en date du 1er janvier 2015