Vous êtes nombreux, depuis l'annonce du projet de réforme des retraites, à nous interroger sur le devenir de la retraite anticipée pour handicap. Le 24 janvier, le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres. Il est actuellement examiné en Commission spéciale à l'Assemblée nationale. Nous en savons donc un peu plus.

  • Le dispositif général

Ce sera un régime "universel", prétendument égalitaire, par points. Or un système par points équivaut à un régime par capitalisation : chaque assuré se constitue un capital (de points) lui permettant de financer sa retraite le moment venu. On est loin du système par répartition, basé sur le principe de solidarité entre générations.

Les principales mesures contenues dans ce projet de loi prévoient :

  • l'acquisition d'un certain nombre de points sur un compte personnel

  • au titre des cotisations versées lors de l'activité professionnelle

  • au titre de la "solidarité" pour les périodes non travaillées (chômage, maladie,...)

  • au titre d'une majoration en fin de carrière

  • avec une incitation à atteindre l'âge d'équilibre (donc à travailler au delà de l'âge légal de 62 ans)

En clair, le calcul de la pension se ferait sur l'ensemble de la carrière (et non plus sur les 25 meilleures années ou les 6 derniers mois) : on accumule des points en travaillant, on reçoit des points de "solidarité" lorsqu'on ne travaille pas et des points de "majoration" (dans certains cas) à la fin de la carrière, et on est récompensé ou sanctionné par des bonus-malus selon que l'on dépasse (ou pas) l'âge légal de 62 ans (comme le pratique déjà l'Agirc-Arrco de façon temporaire).

  • un taux de cotisation global de 28,12 % réparti ainsi : le cotisant consacrerait 10 % de ce taux (soit 2,81 %) au financement de la solidarité du système et le reste (25,31 %) pour l'acquisition de points de retraite

  • une valeur d'acquisition des points (montant qu'il faut avoir cotisé pour acquérir 1 point de retraite) qui serait fixée chaque année par le Conseil d'Administration de la Caisse nationale de retraite universelle

  • une valeur de service du point (montant par lequel on multiplie le nombre de points acquis, pour obtenir le montant de la pension de retraite) qui serait indexée sur les salaires et non sur l'inflation

  • l'instauration d'un minimum de pension de retraite à 1000 € pour une carrière complète

... sachant que toutes ces mesures seront précisées ultérieurement par des décrets et des ordonnances.

Donc, députés et sénateurs vont devoir valider (ou pas) un dispositif qui est à l'opposé du dispositif actuel et dont les modalités d'application sont encore à préciser par le gouvernement. Pour le CDTHED, ce projet de loi n'est pas source de progrès social et il va clairement à l'encontre des intérêts des travailleurs et notamment des plus fragiles au niveau de l'emploi : les travailleurs handicapés.

 

  • Le cas particulier de la retraite anticipée pour handicap, avec majoration de pension

 

Le projet de loi prévoit de garder l'ossature du dispositif actuel c'est à dire :

  • un départ anticipé de 2 à 7 ans

  • un critère de durée d'assurance cotisée, à fixer par décret

  • un critère de degré de handicap (taux d'incapacité d'au moins 50 %) dans des conditions à prévoir par arrêté

  • une compensation par des points supplémentaires pour prendre en compte l'incidence du handicap sur la vie professionnelle, dont on ne sait pas si elle sera équivalente à la majoration de pension actuelle

  • la prise en compte (comme c'est le cas aujourd'hui) des périodes de RQTH antérieures au 31 décembre 2015

 

C'est donc une transposition des critères actuels, sous conditions restant à préciser et sans garantie quant à la majoration de pension, ceci dans le contexte d'un régime de retraite "universelle" par points, ce qui change beaucoup de choses.

 

  • Principales échéances à venir en 2020

 

  • 17 février : examen du projet de loi en séance plénière à l'Assemblée nationale (avant les élections municipales)

  • Fin janvier à début avril : conférence de financement du système de retraite jusqu'en 2027

  • Printemps : début de l'examen par le Sénat

  • D'ici l'été : vote définitif du Parlement

  • 1er décembre : mise en place de la gouvernance du système universel

 

Cette réforme, si elle est adoptée, ne s'appliquera pas tout de suite. Pour le régime général, la génération 1975 sera la première concernée à partir de 2025 (les droits acquis avant 2025 seront convertis en points). Pour la Fonction publique et les régimes spéciaux, ce sera la génération 1980.

Un certain nombre de travailleurs handicapés pourront donc encore partir à la retraite dans le cadre de la législation actuelle et un certain nombre d'entre eux devront renoncer au bénéfice de la retraite anticipée pour handicap pour des raisons non pas de durée d'assurance ou de degré de handicap mais faute de pouvoir produire les documents administratifs exigés.

C'est ce que nous avons voulu dénoncer dans notre lettre ouverte au président de la République, aux députés et aux sénateurs, lettre ouverte que vous avez reçue récemment. Nous y rappelons nos revendications, primordiales pour les travailleurs handicapés qui doivent liquider prochainement leurs droits à la retraite, mais qui valent aussi pour toute législation future.

Nous avons décidé "d'enfoncer le clou" en reprenant, dans un complément à notre lettre ouverte, un des points soulevés : la prise en compte des périodes lacunaires (périodes non couvertes par des notifications de handicap) telle que prévue par l’article 45 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 et par le décret du 10 mai 2017. Vous trouverez ci-joint ce complément que vous pouvez, comme notre lettre ouverte, diffuser à votre tour notamment auprès de votre syndicat, votre député, votre sénateur...