Au président de la République, aux députés et aux sénateurs, au sujet de la retraite anticipée pour handicap, avec majoration de pension

Le Comité pour le Droit au Travail des Handicapés et l'Égalité des Droits (CDTHED) vous a adressé dernièrement une lettre ouverte sur la retraite anticipée pour handicap, avec majoration de pension, dans le cadre des débats sur la réforme des retraites en cours, avec ses propositions pour permettre un accès plus juste et équitable à ce dispositif.

Nous souhaitons revenir ici sur un des points soulevés dans notre lettre ouverte : la prise en compte des périodes lacunaires (périodes non couvertes par des notifications de handicap) telle que prévue par l’article 45 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 et par le décret du 10 mai 2017

En l’absence de solution pour les très nombreux cas évoqués de travailleurs handicapés n’ayant pas les documents administratifs attestant leurs droits, l’article 45 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 a instauré un mécanisme qui est à minima d’une totale inefficacité et ne répond en rien à la problématique.

Le travailleur handicapé peut théoriquement obtenir sur sa demande, l'examen de sa situation par une Commission placée auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse des travailleurs salariés. Mais une condition de saisine de cette commission est d’être atteint d'une incapacité permanente d'au moins 80 % au moment de la demande de liquidation de sa pension. En réalité le législateur a ainsi créé une véritable inégalité de traitement entre travailleurs handicapés faisant valoir leur droit à retraite anticipée, et instauré un véritable recul sur ce droit.

Nous sommes de facto en présence :

  • d’une population de travailleurs handicapés qui peuvent accéder à la retraite anticipée pour handicap avec une condition d’incapacité permanente d'au moins 50 %, dans la mesure où ils détiennent une reconnaissance administrative de l’antériorité de leur handicap au travail,

  • d’une population de travailleurs handicapés qui faute de reconnaissance administrative sur l’antériorité de leur handicap, doivent satisfaire à une condition d’incapacité permanente d'au moins 80 %, pour avoir simplement accès à l’examen de leur dossier médical par la commission….

Pour éclairer très concrètement avec un exemple, cela signifie qu’à handicap de même nature, incapacité permanente de 50 %, mêmes périodes travaillées et même nombre de trimestres validés, un travailleur bénéficiera de la retraite anticipée, tandis que l’autre n’aura même pas accès à la Commission supposée étudier les situations individuelles des personnes ayant des périodes travaillées sans reconnaissance administrative du handica

Il s’agit là d’une surprenante et manifeste inégalité de traitement au sens juridique du terme.

Par ailleurs le décret n° 2017-999 du 10 mai 2017 relatif aux droits à retraite des personnes handicapées (JO du 11 mai) est venu préciser l’article 45 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et a eu pour objectif de rendre définitivement inaccessible le dispositif de retraite anticipée à la grande majorité des travailleurs handicapés qui auraient dû légitimement en bénéficier. En effet, le décret limite à 30 % de la durée totale d'assurance requise, les périodes de services susceptibles d'être validés. Cette condition non prévue dans la loi de 2016 est, injuste et infondée, et manifestement destinée à réduire à néant le processus de validation.

Pourquoi limiter arbitrairement à 30 % de la durée totale d'assurance requise les périodes de services que la Commission peut valider ? Alors que certains salariés handicapés peuvent prouver qu’ils ont réalisé la totalité de leur carrière professionnelle en étant dans une situation permanente de handicap, et ce parfois même depuis la naissance …

Cette limitation est aberrante et contraire au bon sens, et provoque là encore une inégalité de traitement.

Elle limite drastiquement les potentiels bénéficiaires de la mesure, et ne peut trouver d’explication rationnelle que dans une volonté gouvernementale d’opérer des baisses budgétaires, quelles qu’en soient les conséquences.

La commission créée par la loi de 2016 est au final un leurre, voire une duperie, pour donner l’apparence d’une prise en compte des demandes des travailleurs handicapés en matière de retraite anticipée.

En conclusion les dispositions de la loi de janvier 2014, de la loi de décembre 2016 et du décret de mai 2017 imposent des conditions à remplir tellement restrictives que seul un nombre infime de travailleurs handicapés pourra accéder à la retraite anticipée par le biais de cette Commission.

Pour ces raisons, le Comité pour le Droit au Travail des Handicapés et l'Égalité des Droits s’adresse aujourd’hui à vous et vous demande d’intervenir pour obtenir :

  • la suppression de la condition de saisine de la Commission nécessitant d’être atteint d'une incapacité permanente de 80 %, et la remplacer par la condition « d'au moins 50 % » au moment de la demande de liquidation de sa pension

  • la validation de la totalité des périodes de services susceptibles d'être validés, en supprimant la limitation fixée arbitrairement à 30 % de la durée totale d'assurance requise

  • la création de Commissions véritablement indépendantes pour l'examen des périodes lacunaires d'après les dossiers médicaux anciens (la Commission nationale créée par la loi de 2016 dépend directement des organismes de retraite, ce qui pose une série de problèmes : complications administratives et engorgement des dossiers (une seule Commission pour toute la France), partialité (les Caisses sont juge et partie), inadaptation au problème (les critères d’évaluation du handicap à la Sécurité Sociale ne sont pas les mêmes que ceux des MDPH, absence de procédure explicite d’appel, etc.)