Le 30 mai, sur proposition du CDTHED, les associations de l'Isère écrivent aux 10 députés de l'Isère (8 LaREM, 1 MODEM, 1 NG) pour leur demander de s'opposer à l'article 18.

 

Madame la Députée, Monsieur le Député,

L’article 18 du «projet de loi relatif à l’Évolution du Logement et à l’Aménagement Numérique» (ÉLAN) qui sera discuté à l’Assemblée Nationale, à partir du 30 mai, prévoit d’abaisser à 10 % le nombre d’appartements neufs accessibles au lieu de 100 % aujourd’hui – les 90 % restants devant être « évolutifs » c’est-à-dire que, selon le gouvernement, ils pourront être rendus accessibles aux moyens de « simples travaux » (cloisons amovibles, changement de la douche…). Mais qui peut croire sérieusement qu’un bailleur n’écartera pas d’office le candidat locataire qui a besoin de travaux, même « simples », pour rendre accessible son logement ?

Cette mesure sonne comme un retour en arrière. La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 a posé le principe de l’obligation d’accessibilité de tous les logements neufs puis la loi handicap du 11 février 2005 et ses textes d’application ont défini les normes actuelles. La Loi ÉLAN réinstaurerait des quotas qui « auraient pour effet d’assigner une partie de la population à des lieux non choisis », comme le dénonce le CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées). Les personnes en situation de handicap, malades, accidentées ou vieillissantes et leurs familles ne pourraient plus accéder qu’à un parc national de 2300 logements neufs chaque année — soit un appartement accessible pour 30 000 habitants, parmi lesquels 6600 personnes seront âgées de plus de 65 ans et 160 seront potentiellement victimes d’un AVC, d’un infarctus ou d’une fracture du col du fémur… (cf. article de Christian François publié dans le Moniteur en date du 23 février 2018.)

L’introduction de ce quota de 10 % est discriminatoire et en contradiction avec le droit des personnes à choisir librement leur lieu de vie (article 19 de la Convention de l’ONU relative au droit des personnes handicapées, pourtant ratifiée par la France en 2010).

Dans son avis en date du 11 mai 2018, le Défenseur des droits rappelle que la réglementation relative à l’accessibilité « a déjà fait l’objet de nombreux assouplissements ». D’abord, l’exigence d’accessibilité ne s’applique, aujourd’hui, qu’aux seuls logements neufs situés en rez-de-chaussée ou desservis par un ascenseur, soit seulement 40 % de la production. De plus, la réglementation autorise les maîtres d’ouvrage à déroger aux normes s’ils mettent en œuvre « des solutions d’effet équivalent garantissant l’accessibilité ». Et les propriétaires achetant sur plan ont également le droit de demander des adaptations dérogatoires…

« Avec ce nouveau quota de 10 %, cette offre de logements accessibles, a priori déjà très limitée et insuffisante pour répondre aux besoins des personnes handicapées, serait donc réduite de 90 % », note le Défenseur des Droits. 

Rappelons en effet que l’immense majorité des logements disponibles actuellement sur le marché sont des logements anciens, non accessibles.

Le gouvernement justifie également cette évolution par la nécessité de diminuer le prix de la construction. Or, « les coûts induits par la réglementation sur l’accessibilité sont largement inférieurs aux coûts des exigences thermiques et d’autres réglementations ainsi qu’à la hausse rapide du foncier ou aux fluctuations des marges commerciales », avaient souligné trois organismes officiels (Inspection générale des affaires sociales, Contrôle général économique et financier et Conseil général de l’environnement et du développement durable) dans un rapport en 2015 (cf. article de Faire Face en date du 13 mai 2018). 

Face aux coûts induits très faibles générés par les règles d’accessibilité, il faut considérer le surcoût social énorme de la non-accessibilité. Selon l’INSEE, on compterait en France 11 millions de personnes présentant au moins une incapacité motrice, sensorielle ou intellectuelle. Certes, toutes ne sont pas « han­dicapées » au sens usuel du terme, mais elles sont gênées dans leur vie quotidienne. En outre, les autres personnes qui sont actuellement parfaitement « valides » vont vieillir, et seront pour la plupart d’entre elles confrontées dans l’avenir à une ou plusieurs de ces incapacités. Ainsi, de nombreuses personnes âgées finissent par rester cloîtrées chez elles à cause de l’absence d’ascenseur et sont souvent obligées d’entrer de manière prématurée en maison de retraite.

En conséquence, nous vous demandons de voter contre l’article 18 du projet de loi ÉLAN et d’inviter vos collègues députés à faire de même. Nous vous demandons également de soutenir tout amendement allant dans le même sens.

Sachez que nos adhérents et nous-mêmes serons très attentifs à votre vote lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale.

Dans l’attente, veuillez agréer l’expression de nos sincères salutations

 

Pour l’Association Valentin Haüy, Mireille Ranquet 

Pour l’association contre la Sclérose en Plaque Rhône-Alpes Dauphiné, Géraud Paillot

Pour le Comité pour le Droit au Travail des Handicapés et l’Égalité des Droits, Henri Galy 

Pour l’Association de Réadaptation et Défense des Devenus Sourds, Nicole Gachet 

Pour l’APF France Handicap, Chantal Vaurs

Pour l’Association Française contre les Myopathies AFM-Téléthon, Philippe Mariage 

Pour l’Association Mieux Vivre le Handicap, Georgette Hanzo

 

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