Le 8 août 2015, le Journal Officiel a publié l’Arrêté du 24 juillet 2015 « relatif à la liste des documents attestant le taux d’incapacité permanente défini à l’article D. 351-1-6 du Code de la Sécurité sociale ». Avec un retard considérable, cet arrêté précisait enfin la liste des pièces justificatives à produire pour bénéficier du Décret n° 2014-1702 du 30 décembre 2014 « relatif aux droits à retraite des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux » (JO du 31 décembre 2014), pris en application de la Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » (JO du 21 janvier 2014).

Rappel sur la nouvelle loi

Les travailleurs handicapés peuvent partir en retraite anticipée dès 55 ans avec majoration d’un tiers de leur pension de base s’ils peuvent justifier d’une durée minimale d’activité professionnelle de 32 années (dont au moins 27 années cotisées) tout en ayant un taux d’IP (Incapacité Permanente) d’au moins 50 % - contre 80 % auparavant.

Que contient l’arrêté ?

Les assurés concernés peuvent toujours justifier de leur handicap au moyen de la Carte d’invalidité (taux d’IP de 80 % ou plus), mais à défaut ils peuvent justifier d’un taux d’IP d’au moins 50 % auprès de leur caisse de retraite en fournissant une décision de la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées), ou de la COTOREP (Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel) ou encore des services et organismes débiteurs des prestations familiales – notamment AAH (Allocation aux Adultes Handicapés).

Sont également acceptées les décisions provenant d’un des organismes d’Assurance Maladie, que ce soit le régime général ou l’un des régimes spécifiques, comme celui des indépendants ou des agriculteurs. Par ailleurs, l’arrêté précise que « les décisions des juridictions de première instance, d’appel ou de cassation sont acceptées si elles accordent à l’assuré les allocations ou les cartes d’invalidité ou si elles les lui refusent, mais font état d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 % ».

Attention : ces documents doivent couvrir l’ensemble de la période d’assurance requise !

Si l’assuré ne dispose pas de toutes les pièces justificatives demandées, il peut s’adresser au secrétariat de la CDAPH, qui « au vu des pièces disponibles de son dossier, fournit des duplicatas de décisions ou, le cas échéant, une attestation signée par le président de cet organisme précisant la ou les périodes durant lesquelles un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 % a été attribué ou reconnu ».

Que faut-il en penser ?

Sans entrer dans le détail, on remarquera que cette liste est rigoureusement identique à celle de la législation d’avant 2014, avec deux modifications notables :

– Le taux d’IP exigible diminue de 80 % (carte d’invalidité) à 50 % minimum, ce qui en soi est positif.

– Mais le critère RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) est supprimé. Il n’est conservé que pour les périodes antérieures au 1er janvier 2016.

Pour les raisons indiquées ci-après, il apparaît que cet arrêté, tout comme le décret susnommé, n’apporte aucune amélioration à la loi du 20 janvier 2014 et que le gouvernement a opté pour une application stricte des critères, la plus défavorable pour les travailleurs concernés.

Ainsi, l’invalidité première catégorie n’est toujours pas reconnue comme critère ouvrant droit à la retraite anticipée pour handicap. Seule la deuxième catégorie d’invalidité est reconnue, ce qui est extrêmement restrictif. NB : Rappelons qu’avant 2014, elle était déjà reconnue équivalente à la Carte d’invalidité (80 % d’IP). Concernant les taux évalués par un tribunal consécutivement à un accident, il n’y a pas non plus d’amélioration. Les seuils restent toujours élevés, et seront donc rarement atteints.

Une attestation d’incapacité permanente que presque personne ne pourra utiliser...

Concernant la « mesure phare » mise en avant par le gouvernement, l’abaissement du taux d’IP à 50 % qui était censé élargir le nombre de bénéficiaires, les spécialistes de la question verront tout de suite qu’il s’agit d’un piège…

Pourquoi ? Dans le passé, les COTOREP/CDAPH, lorsqu’elles attribuaient un taux d’IP compris entre 50 et 79 % ne le faisaient en général que pour évaluer le droit à l’AAH des personnes qui ne travaillaient pas…

En effet, lorsqu’il s’agissait de personnes handicapées qui travaillaient, leur demande ne portait alors que sur la Carte d’Invalidité, et de ce fait, en cas de refus d’attribution, les COTOREP/CDAPH se contentaient généralement d’indiquer « taux d’IP inférieur à 80 % » sans autre précision. Enfin, lorsque, dans quelques rares cas, les COTOREP/CDAPH attribuaient un taux d’IP compris entre 50 et 79 % à une personne handicapée qui travaillait, la notification n’était pratiquement jamais assortie d’une durée de validité.

Aujourd’hui même encore, les CDAPH refusent la plupart du temps d’indiquer une durée de validité pour une IP de 50 à 79 % (même lorsque la personne handicapée le demande !)... sauf dans le cas où la décision est liée à une attribution d’AAH pour « restriction substantielle et durable de l’accès et au maintien à l’emploi » - auquel cas en général la personne ne travaille pas, ce qui fait que l’attestation ne pourra pas lui servir pour faire valoir d’éventuels droits à une retraite anticipée pour handicap !

Ainsi, l’un de nos adhérents a été obligé de déposer un recours devant le TCI (Tribunal du Contentieux de l’Incapacité) parce que la CDAPH refuse d’indiquer une durée de validité pour l’IP de 50 % qui lui est attribuée.

Un droit à géométrie variable…

En conséquence, même dans le cas le plus optimiste, le travailleur handicapé qui voudra arguer d’un taux d’IP de 50 % ne pourra faire reconnaître à coup sûr ce taux que pour l’année de la décision. Les administrations et les caisses de retraite voudront-elles admettre le fait que ce taux d’IP a une valeur définitive ? Nous nous permettrons d’avoir des doutes à ce sujet…

On risque donc d’arriver à une situation complètement aléatoire, qui dépendra du bon vouloir de tel ou tel service ! On se dirige ainsi vers une cascade de recours devant les TCI, déjà saturés et qui vont l’être encore plus avec la fusion des Régions qui va entraîner la diminution de leur nombre…

Concernant ce problème, le CDTHED a décidé d’écrire à Madame la Ministre des Affaires Sociales, Marisol Touraine, pour exiger qu’elle donne des instructions précises aux CDAPH, ainsi qu’aux administrations concernées et aux organismes de retraites pour que les notifications de taux d’IP compris entre 50 et 79 % soient considérées comme attribuées à titre définitif, sauf mention contraire explicite ou révision ultérieure.

Les travailleurs handicapés privés du droit à la retraite anticipée pour handicap !

La suppression du critère RQTH constitue une régression formidable qui pénalise non seulement beaucoup de travailleurs handicapés d’un certain âge, mais plus encore les jeunes handicapés qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail.

Il s’agit aussi d’une injustice criante puisque d’un côté on permet aux patrons du secteur privé et aux administrations publiques de prendre en compte (ce qui est normal) les travailleurs titulaires d’une RQTH dans leurs quotas de travailleurs handicapés, alors que de l’autre on dénie à ces mêmes travailleurs handicapés la reconnaissance du fait que le handicap pèse sur leur travail et par conséquent sur la durée de leur carrière professionnelle.

Contre cette injustice et pour rétablir dans leurs droits les travailleurs handicapés, le CDTHED renouvelle solennellement son exigence que le critère RQTH soit pérennisé définitivement au-delà du 31 décembre 2015.

Enfin, le CDTHED renouvelle également son exigence qu’une procédure adaptée soit mise en place pour per-mettre aux nombreux travailleurs handicapés qui pour diverses raisons bien connues des pouvoirs publics n’ont pas fait renouveler en temps utile leur RQTH, ou ne l’ont pas demandée, puissent se voir reconnus a posteriori travailleurs handicapés pour ce qui concerne le droit à la retraite anticipée, en produisant tous les documents médicaux dont ils disposent.

 

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