La fronton du Palais Bourbon, partie historique de l’Assemblée Nationale.

 

Une délégation du CDTHED a été reçue à l’Assemblée Nationale le jeudi 23 janvier 2014 de 14h15 à 15h15 par Mme Martine Carrillon-Couvreur, Députée de la Nièvre, responsable des questions concernant le handicap au sein du Groupe Socialiste et Présidente du CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapés). 

Le CDTHED avait associé à sa démarche Chantal, responsable de la section SNPTAS-CGT de l’Équipement, ainsi que Patrick, syndicaliste FO et travailleur handicapé – mais ce dernier a dû s’excuser suite à un problème familial. À noter que dans un premier temps Mme Carrillon-Couvreur ne voulait recevoir que le Président du CDTHED accompagné d’un ou deux responsables… Il nous a fallu insister quelque peu pour que toute la délégation (sept personnes au total) puisse venir au complet ! 

 

Martine Carrillon-Couvreur précise le rôle du CNCPH : il doit être consulté sur l’ensemble des projets de textes de loi concernant les handicapés. Il donne en­suite son avis. Elle rappelle aussi qu’elle a pour habi­tude de ne recevoir, dans un premier temps, que les prési­dents des associations accompagnés éventuellement d’un ou deux autres responsables, quitte ensuite à program­mer d’autres rencontres plus élargies. 

Henri Galy présente les membres de la délégation, puis brièvement l’Association, ses principes de fonctionne­ment (défense de tous les types de handicaps, quel que soit l’âge, financement sans recourir aux subven­tions, direction collégiale et souveraineté de l’Assemblée Générale des adhérents) et ses actions ré­centes (campagne pour l’alignement de l’AAH et du Minimum Vieillesse sur le SMIC, accessibilité des trans­ports en commun et de la voirie, etc.). Il lui remet une copie du Manifeste revendicatif du CDTHED adopté en mars 2008, mais toujours d’actualité.

Concernant l’objet de notre entrevue, c’est-à-dire le Droit des travailleurs handicapés à un départ anticipé à la retraite avec majoration de pension, il développe les points suivants :

• Problème des « trous » dans les périodes de RQTH, très courant pour les générations de 40 ou 50 ans. On en connaît bien les raisons (crainte d’être stigma­tisé, ab­sence d’avantages concrets à l’époque pour le salarié handicapé, etc.) et les conséquences (impos­sible de vali­der une période suffisamment longue). Il est possible de régler ce problème en faisant examiner les anciens dos­siers médicaux par une commission indépen­dante.

• Suppression (pour la retraite anticipée) du critère RQTH par la nouvelle « réforme » des retraites : c’est une régression, dénoncée par les associations. La nou­velle loi a supprimé un Droit connu et précis, pour le remplacer par une idée (le « compte handicap travail ») vague, dont personne ne sait ce qu’elle va donner concrète­ment, mais dont tout nous porte à croire qu’elle sera beaucoup moins favorable…

Nous l’avons « en travers de la gorge », et nous ne l’acceptons pas : il faut rétablir le critère RQTH ! Ce qu’une loi a défait, une autre loi peut le refaire ! Si vous-même (Mme Carrillon-Couvreur) déposiez une proposi­tion de loi en ce sens, ce serait un point d’appui considé­rable pour cela. Rappelons que critère RQTH est extrême­ment pertinent : c’est le critère de référence du Code du Travail pour définir le handicap au travail, et c’est le premier utilisé par les employeurs dans leur déclara­tion annuelle en vue d’atteindre les quotas.

• L’abaissement du seuil de taux d’IP (Incapacité Per­manente) de 80 % à 50 % est positif bien sûr, mais pour être réellement significatif, il aurait fallu descendre aux 40 % qui correspondent à l’ancienne carte « Station de­bout pénible ».

Il y a beaucoup de situations qui ne sont pas prises en compte pour la retraite anticipée alors pourtant qu’il s’agit de handicap avéré et officiellement reconnue (pen­sion d’invalidité 1ère catégorie, cartes militaires, etc.), c’est pourquoi notre pétition demande un élargissement des critères.

• Il y a enfin le cas des emplois réservés, comme ce­lui de Danielle, sur lequel nous reviendrons. Il s’agit là de carences de l’État. 

Henri F. explique que son cas rejoint celui de nom­breux travailleurs handicapés qui n’ont demandé la RQTH que tardivement, ou qui ne l’ont pas fait renouve­ler en temps utile. Il en rappelle la cause : crainte à l’époque de se faire classer inapte ou que l’étiquette RQTH ne le stigmatise. Il a commencé sa carrière en 1987, mais depuis les choses ont évolué. Plus récem­ment, c’est son employeur qui l’a incité à faire la de­mande afin de le compter dans son quota de travailleurs handicapés… Il revient sur la régression de la loi que constitue l’abandon du critère RQTH.

Enfin, il signale que, comme la plupart des personnes concernées, il a gardé tout son dossier médical. Pourquoi une commission ne pourrait-elle pas l’examiner mainte­nant puisque déjà, à l’époque, les décisions étaient prises par les COTOREP (et aujourd’hui les CDAPH) unique­ment sur la base de l’examen de ces mêmes dossiers médicaux et sans voir la personne elle-même ?

M. Carrillon-Couvreur rappelle que les projets de loi s’adossent toujours sur une étude d’impact, un diagnos­tic. On n’a pris connaissance qu’avec retard du problème posé par ce fameux article du Projet de Loi. Il semblerait que le critère RQTH ne concernerait que peu de personnes. La FNATH, qui a été interrogée à ce sujet, re­censerait moins de 1000 cas par an.

La question du nombre les interroge toujours (M. Issindou et elle), car ils n’arrivent pas à savoir com­bien de personnes ont fait une demande de RQTH. Elle essaie de se renseigner par des sources différentes pour recouper les informations. La question est toujours en suspens, ils vont retravailler dessus. C’est à cause de ce flou que le gouvernement a adopté la solution d’abaisser le taux d’IP à 50 % et d’instaurer une période transitoire de deux années supplémentaires. On peut envisager éven­tuellement de prolonger un peu cette période de 2 ans, afin d’« apurer » la situation de ceux qui ne rentre­ront pas dans les délais.

Mais, la grande idée de la réforme, c’est la mise en place de comptes personnels :

• Compte pénibilité (établi selon des critères précis) per­mettant de suivre sur dossiers l’évolution des per­sonnes au travail.

• Compte handicap travail, demandé par l’APF, qui re­joint un peu le compte pénibilité (tout en étant diffé­rent, bien sûr !)

• Compte formation professionnelle.

Il suffira ensuite de « croiser » tous ces comptes pour permettre à la personne de les utiliser pour partir en re­traite plus tôt, acquérir des droits à la formation ou à la reconversion, ou à une combinaison de ces options. 

H. Galy rappelle la définition de la RQTH telle qu’énoncée dans le Code du Travail : « Est considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique » (article L. 5213-1). Alors que les em­ployeurs peuvent continuer à invoquer ce critère pour remplir leurs quotas, on le supprime aux intéressés pour ce qui concerne leur retraite… C’est injuste, et nous ne l’acceptons pas. Le CDTHED va donc engager une cam­pagne pour la reconquête de ce droit et l’extension des critères permettant de bénéficier de la retraite anticipée pour handicap, avec majoration de pension.

À propos des 1000 cas recensés, ils s’expliquent facile­ment : « trous » dans les périodes de RQTH (donc pas possible d’atteindre le nombre d’années requises) et par ailleurs, pour le secteur privé, pas de majoration sur la retraite complémentaire – ce qui est très dissuasif pour un départ anticipé (cas de Claudine). La quasi-totalité des jeunes handicapés qui entrent aujourd’hui sur le mar­ché du travail demandent la RQTH : le nombre de bénéfi­ciaires potentiel d’une retraite anticipée au titre de la RQTH devait donc augmenter mécaniquement et de manière très importante. Il y actuellement, selon l’APF, 830 000 titulaires de la RQTH en France. Tous ne le sont pas depuis le début, certes, mais on voit bien que cela représente un gros potentiel.

Par ailleurs, il faut régler la situation des travailleurs handicapés des anciennes générations, d’où l’idée avancée par le CDTHED de l’évaluation des cas litigieux par une Commission médicale indépendante, au moyen des archives médicales. 

Claudine explique qu’elle est directement concer­née par l’absence de majoration de la retraite complémen­taire qui pénalise les salariés handicapés du Secteur privé, comme le relève la pétition du CDTHED. Elle a quand même demandé la retraite anticipée, avec une forte baisse de ses revenus, parce que si elle avait at­tendu, le calcul aurait été encore plus défavorable à cause de l’allongement de la durée de cotisation imposé par la nouvelle loi ! Et puis de toute façon, elle était mainte­nant trop fatiguée par le travail : le handicap en­traîne une usure plus rapide avec l’âge…

Elle signale que dans son service, deux travailleuses handicapées, plus jeunes qu’elle, sont frappées par la suppression du critère RQTH, dont une qui aurait eu l’âge requis et les conditions validées en 2016 pour deman­der la retraite anticipée, mais qui ne pourra pas l’avoir à cause de cette loi !

H. Galy rappelle la situation de Danielle. Il insiste sur le fait qu’à l’époque (1983) où elle a réussi l’examen pour emploi réservé, une loi datant du 23 novembre 1957 prévoyait déjà l’obligation d’employer des travail­leurs handicapés et une autre loi, celle du 30 juin 1975, prévoyait en outre l’accessibilité des locaux, au moins au niveau des grands principes. L’État ne s’est pas donné à l’époque les moyens d’appliquer ces obligations. Concer­nant Danielle, il a donc commis une double faute. Cette faute doit être réparée !

Chantal dénonce la lenteur mise à traiter ce dos­sier, dont le Président de la République a été saisi, il y a déjà un an. Elle signale aussi que le service où travaille Da­nielle va disparaître à la fin de l’année (regroupement sur Lyon pour diminuer les effectifs). Elle n’exclut pas de saisir la presse pour accélérer.

Le principe d’un rendez-vous a été obtenu au Minis­tère, qui reste à confirmer. Mais à quoi va servir ce ren­dez-vous ? Il faut absolument qu’il y ait des propositions concrètes de la part du Ministère ce jour-là !

M. Carrillon-Couvreur nous assure qu’elle va voir cela, en relation avec M. Issindou. 

H. Galy lui propose de se joindre à nous ou de se faire représenter pour cette entrevue. 

M. Carrillon-Couvreur est d’accord sur le principe, sous réserve de possibilité matérielle.

Commentaire :

En conclusion, la délégation constate que la discus­sion sur la suppression du critère RQTH pour la retraite anticipée a tourné au dialogue de sourds, Mme Carril­lon-Couvreur se retranchant derrière une prétendue « absence de chiffres » pour éviter de s’opposer à une mesure qui frappe la grande majorité des 830 000 travail­leurs handicapés. Tout au plus envisage-t-elle un aménagement de cette disposition en allongeant éventuelle­ment la période de transition Néanmoins, nous avons affirmé notre refus de ce recul, et notre détermina­tion à combattre pour le rétablissement de ce droit supprimé par la « réforme des retraites » du gouver­nement, et pour l’extension des critères afin de régler des situations personnelles injustes.

 

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