Monsieur le Président,

C’est au nom de plus de 3000 signataires de la pétition « Pour le Droit des travailleurs handicapés et des parents et con­joints de personnes handicapées dépendantes à une véri­table retraite anticipée » que nous vous écrivons pour vous alerter sur le fait que le « Projet de loi garantissant l’avenir et la justice du sys­tème de retraite » présenté par votre gouvernement prévoit, dans son article 23, la suppression du Droit à la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés reconnus comme tels par le Code du Travail.

En effet, si cet article prévoit d’abaisser de 80 % à 50 % le taux d’IP (Incapacité Permanente) requis pour bénéficier de la retraite anticipée pour handicap à 55 ans, il SUPPRIME, après une période de transition de deux ans, le critère de la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleurs Handicapés) qui permet d’y prétendre de manière beaucoup plus large…[1] (NB : Vous trouverez dans l’argumentaire ci-joint une analyse plus précise de la question.)

Nous tenons à attirer votre attention sur le fait que cette suppression est condamnée par les principales associations de malades et handicapés (cf. tribune libre intitulée « Handicapés et malades, les oubliés de la réforme » parue dans le Monde du 8 octobre 2013) ainsi que par les responsables des Entreprises Adaptées (cf. article paru le 17 octobre sur le site Handicap.fr : http://informations.handicap.fr/art-infos-handicap-2013-853-6386.php). Courant novembre et décembre, d’autres communiqués ont été publiés, notamment par l’APF ainsi que par FO et la CFE-CGC.

Informés par nos soins, et par d’autres associations et organisations, de nombreux travailleurs handicapés ont écrit aux députés et sénateurs, et aussi aux ministres concernés, pour leur faire part de leur désarroi, puis de leur colère. Lors de l’examen du texte en 1ère et 2ème lecture à l’Assemblée Nationale et au Sénat, de nombreux parlementaires issus d’horizons politiques très divers ont déposé des amendements à cet article 23 dans le but de préserver ce droit.

Malgré cela, une majorité de députés a rejeté tous ces amendements, au nom d’« arguments » à géométrie très variable…

Et pourtant, selon le Code du Travail, la RQTH atteste que, pour l’intéressé, « les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique » (voir article L. 5213-1 définissant la qualité de travailleur handicapé). Il en résulte que le titulaire de la RQTH est exposé à une usure prématurée de son organisme, du fait de son handicap, ce qui légitime parfaitement son droit à une retraite anticipée pour handicap, à taux plein et avec une majoration de pension pour compenser les annuités manquantes.

En d’autres termes, supprimer le droit à la retraite anticipée pour les titulaires de la RQTH comme le prévoit l’article 23 du Projet de Loi en question, reviendrait à prétendre que les 830 000 travailleurs handicapés reconnus officiellement comme tels par les Maisons du Handicap ne sont pas handicapés au travail !

Monsieur le Président,

Quel que soit l’avis que l’on puisse avoir sur l’ensemble de ce Projet de Loi, qui pourrait accepter que l’on retire à des centaines de milliers de personnes qui, malgré leur handicap, font l’effort de travailler, l’espoir de pouvoir, en récompense de leurs efforts « partir un peu plus tôt » ? Il s’agirait alors d’un recul social sans précédent, totalement contradictoire avec l’objectif de « justice » prétexté par le gouvernement.

Qui pourrait admettre que votre gouvernement supprime aujourd’hui le bénéfice du critère RQTH à des travailleurs handicapés ayant acquis ce droit, tout en maintenant le bénéfice de ce critère pour leurs employeurs qui peuvent continuer à s’en servir pour justifier qu’ils respectent l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ?

Monsieur le Président,

La République vous confère d’importantes responsabilités. Vous êtes en mesure de régler cette question et de rétablir dans leurs droits les travailleurs handicapés. 

En conséquence, nous vous appelons à user de vos pouvoirs pour faire rétablir le critère RQTH comme condition ouvrant droit à la retraite anticipée pour handicap avec majoration de pension.

À cette possibilité doivent s’ajouter tous les moyens de forme ou de fond permettant à l’intéressé de justi­fier de son handicap (Carte « station debout pénible » ou IP de 40 %, notification d’invalidité 1ère catégorie, pen­sion militaire d’invalidité, rente pour accident du travail ou maladie pro­fession­nelle, etc.), y compris archives et dossiers médi­caux, avec, en cas de doute, examen par une commis­sion indépendante et appel devant une juri­diction impartiale.

Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos respectueuses salutations.

Pour les signataires de la pétition, le Président du CDTHED : Henri Galy


[1]  La Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale a fait adopter l’étude de la mise en place d’un « compte handicap travail » qui apparaît comme un piètre alibi, car il ne saurait être aussi favorable, pour les jeunes handicapés qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail, que les dispositions actuelles qui permettent aux titulaires de la RQTH d’espérer bénéficier un jour d’une retraite anticipée dès 55 ans, avec majoration d’un tiers de la pension de retraite de base. On remplacerait ainsi un avantage acquis, qu’on connaît bien, par une mesure future pour laquelle on n’a aucune garantie…

 

Lettre ouverte du CDTHED en date du 16 décembre 2013 (pdf)

Lettre ouverte du CDTHED en date du 16 décembre 2013 (doc)

 

Argumentaire complémentaire à la lettre du 22 octobre 2013 (pdf)

Argumentaire complémentaire à la lettre du 22 octobre 2013 (doc)

 

Pétition CDTHED et argumentaire