Monsieur le Député-Maire,

Suite à votre courrier du 18 novembre, nous avons le regret de devoir réfuter vos arguments point par point. 

Vous écrivez 

« Je tiens en premier lieu à souligner que l’installation de dispositifs anti-scooters est une demande récurrente des habitants, qui se plaignent des nuisances sonores occasionnées par les deux-roues motorisés, et de la gêne voire du danger causé par ces derniers aux piétons sur leur cheminement quotidien. »

Si les habitants se plaignent, à juste titre, des nuisances occasionnées par les deux roues motorisés, le choix des moyens pour y remédier est bien celui de la Municipalité de Grenoble, et non pas celui des habitants. 

Vous auriez pu faire mettre en place des moyens humains pour assurer une surveillance des espaces concernés, ce qui à notre avis aurait été plus efficace. Au lieu de cela, vous avez préféré recourir à une « solution » de facilité à moindre coût, d’une efficacité très relative. En effet, l’expérience montre que ces chicanes n’empêchent pas les deux roues motorisés (de plus en plus compacts) de passer, elles ne font que les ralentir. Or, si leurs dimensions étaient plus conformes à la réglementation, elles rempliraient les mêmes fonctions tout en étant plus accessibles aux personnes handicapées et à d’autres usagers. 

Vous écrivez :

« Les dispositifs existants, au plan national, sont généralement des barrières articulées qu’il faut manipuler à la main. Leur fonctionnement et leur gabarit ne sont pas adaptés pour les personnes qui ont une préhension réduite, ni pour celles qui utilisent par exemple une poussette. »

Il n’a jamais rien existé comme dispositifs « au plan national ». Les barrières articulées pivotantes « en U » sont apparues récemment à l’initiative d’une entreprise privée, la société Semco, qui les a abusivement présentées comme accessibles aux usagers handicapés. Ces chicanes sont très loin de représenter la majorité des chicanes installées en France... Mais, dans l’agglomération grenobloise, c’est votre Municipalité qui a commencé à les poser en 2008 !

Nous prenons acte du fait que vous reconnaissez qu’elles ne sont pas adaptées pour les personnes qui ont une préhension réduite, ni pour celles qui utilisent par exemple une poussette, et aussi du fait que, suite à nos protestations, vous en avez enlevé certaines, en 2009, pour les remplacer par d’autres chicanes fixes, mais toujours pas réglementaires. NB : Nous disons que vous en avez remplacé « certaines », parce que force est de constater en effet que celles du Jardin des Poètes, notamment, sont toujours en place...

Vous écrivez :

« C’est pour cette raison que la Ville de Grenoble, en l’absence de norme spécifique sur ces dispositifs, a engagé en 2009 une étude en concertation avec les associations représentatives des différents handicaps et les usagers. »

Contrairement à ce que vous affirmez, il existe bien des normes réglementaires sur ces dispositifs, à savoir le respect de la règle énoncée au 3° alinéa de l’article 1er de l’arrêté du 15 janvier 2007, qui prescrit une largeur minimale de cheminement de 1m40. 

Vous écrivez :

« A l’issue d’une série de tests réalisée avec les associations - notamment le CDTHED - un compromis a été trouvé et validé en commission grenobloise d’accessibilité le 10 septembre 2009. Ces tests ont permis d’améliorer le dispositif initialement proposé par les services techniques, en supprimant la nécessité de manipuler un quelconque mobilier : des barrières évidées permettent le passage des pieds et des genoux de la personne en fauteuil roulant quel que soit le gabarit du fauteuil, une lisse basse facilite la détection à la canne par une personne malvoyante ou aveugle, et une bande contrastée en partie haute du mobilier facilite le repérage par une personne déficiente visuelle. Un soin particulier est également apporté au nivellement du sol pour que le franchissement du dispositif se fasse sur une zone plane.

Le gabarit de passage, 1,30 m de largeur, peut être contraint en déplaçant un potelet. Ce gabarit est déterminé pour chaque site après concertation avec les habitants et les représentants d’associations de personnes handicapées. Sur certains sites, des usagers en situation de handicap se sont dits satisfaits d’un gabarit de passage de 1 m. Comme la barrière qui ferme le dispositif est évidée, la rotation du fauteuil roulant n’est pas pénalisée, avec ce gabarit de passage, les cale-pieds passent en effet dans la partie évidée. » 

Certes, un « compromis » a été bien été validé par certaines associations, mais pas par le CDTHED, en Commission Grenobloise d’Accessibilité le 10 septembre 2009…. Ce « compromis » a été établi sur la base des schémas joints à la demande de dérogation du 26 octobre 2009 présentée en Commission Départementale d’Accessibilité. (Cf. Schémas [1] [2] [3], ci-joints pour mémoire.)

Or, ces schémas indiquent un dispositif évidé avec un espace de rotation de 1m30. La dérogation a été accordée avec ces mesures.

Mais, de votre propre initiative, vous avez décidé de revenir sur le « compromis » auquel vous vous étiez engagé en ramenant le gabarit de passage de 1m30 à 1m (30 cm de moins !), au seul motif que « des handicapés s’en trouvaient satisfaits », balayant ainsi d’un revers de main un engagement pris envers des associations représentant tous les handicapés, et ce sans tenir compte du fait que d’autres personnes, les plus handicapées, s’en trouvaient gênées (Cf. Schéma [4] ci-joint)

En effet, si certaines personnes, moins handicapées, peuvent s’accommoder des barrières fixes actuelles, comme d’autres ont pu s’accommoder des chicanes mobiles, il n’en est pas de même pour beaucoup de personnes pour qui ces chicanes, trop resserrées, ne sont pas franchissables dans des conditions normales d’utilisation.

Ainsi, les petits scooters électriques utilisés par les personnes âgées en perte d’autonomie et par des personnes atteintes d’une maladie évolutive ne peuvent absolument pas franchir les chicanes grenobloises. (Voir documentation de la Fondation Garches : http://www.handicap.org/spip.php?page=categorie&f_categorie_id=20)

Quant aux fauteuils roulants traditionnels, ils sont plus ou moins encombrants selon le handicap dont est affecté leur utilisateur. De plus, certaines personnes, du fait de leur handicap, ne peuvent pas les manœuvrer de façon très précise, et donc ne peuvent franchir ces barrières qu’avec une très grande difficulté et le risque de les heurter.

Vous écrivez : 

« Vous noterez que les exemples que vous citez sur le territoire d’autres communes n’ont pas fait l’objet d’une étude prenant en compte tous les handicaps. Dans les cas évoqués, il s’agit généralement de la pose de barrières fixes, non évidées, qui forment une chicane. » 

Nous vous invitons au contraire à venir voir les chicanes actuellement installées sur Fontaine et Saint-Martin-d’Hères... Sans prétendre qu’elles aient fait l’objet de grandes « études », nous constatons que la plupart d’entre elles sont bien plus accessibles à tous les handicapés que celles installées par la ville de Grenoble !

Et surtout, ces communes se montrent beaucoup plus attentives, sur ce point, aux doléances des handicapés que votre Municipalité. Ainsi, les communes de Fontaine et Saint-Martin-d’Hères n’ont pas hésité à enlever une série de chicanes toutes neuves pour les remplacer par d’autres, plus conformes à la réglementation (2009-2010). De même, la Métro a très rapidement rectifié le tir en ce qui concerne le Bois Français (printemps 2012). Et plus récemment, la Ville d’Échirolles a également évolué positivement.

Vous écrivez :

« Quant à l’aspect réglementaire, il convient de rappeler que le dispositif validé n’est pas dérogatoire : en réponse à la demande de dérogation de la Ville de Grenoble faite en octobre 2009, la sous-commission départementale d’accessibilité a en effet conclu le 18 décembre 2009 que l’aménagement prévu est conforme à la réglementation, car “il respecte les dispositions de l’article 6 de l’arrêté du 15 janvier 2007, relatif aux prescriptions techniques pour l’accessibilité de la voirie et des espaces publics”. »

Nous nous permettons de vous rappeler que la lettre de M. De Longevialle en date du 19 octobre 2009 porte la mention « Objet : Demande de dérogation aux règles d’accessibilités de la voirie et des espaces publics »... Par ailleurs, nous vous rappelons que la commission départementale d’accessibilité s’est prononcée en réponse à votre demande de dérogation basée sur des schémas qui n’ont rien à voir avec les chicanes fixes installées.

Vous écrivez : 

« Le CDTHED a interpellé à plusieurs reprises Stéphane GEMMANI, élu en charge de l’accessibilité, lors des réunions de la Commission Communale d’Accessibilité, lors de colloques parisiens ou dernièrement à Grenoble lors des “rencontres Inovaccess” d’octobre 2013. La même réponse vous a été apportée à chaque intervention, convenant que ces dispositifs sont un compromis entre le besoin de limiter les nuisances des scooters et la nécessité d’assurer la liberté de circulation de tous, notamment les personnes les plus vulnérables.

En l’occurrence, la question a été évoquée une nouvelle fois en Commission d’accessibilité du 14 novembre et le collectif associatif présent a validé cette position, confirmant que le dispositif grenoblois est un compromis à défaut d’une solution plus satisfaisante, et reconnaissant que le travail mené en concertation avec la Ville a permis d’en réduire les contraintes. »

Répétons que le « compromis » que vous mettez en avant n’a rien à voir avec le « compromis » présenté aux associations en 2009 et porté dans la demande de dérogation. Pour les motifs ci-dessus évoqués, vous ne nous ferez jamais admettre que passer d’une largeur de passage de 1m30 à 1m n’a pas d’importance au motif que le dispositif est évidé...

Vous écrivez :

« Sur la question du remplacement des chicanes mobiles ou des dispositifs qui ne répondent pas aux caractéristiques évoquées plus haut, la Ville de Grenoble est vigilante à apporter une réponse adaptée aux demandes des habitants, mais ne peut y répondre que progressivement en raison de contraintes économiques bien compréhensibles. Pour reprendre un exemple cité, deux dispositifs ont ainsi été installés à la Villeneuve en remplacement de chicanes mobiles, et une chicane mobile retirée. »

Le terme « progressivement » est abusif. Si en 2009 quelques chicanes mobiles ont été désinstallées à la Villeneuve, toutes les autres ont été maintenues, et ce depuis 4 ans... Le budget que vous n’avez pas trouvé pour les remplacer vous l’avez trouvé pour en installer beaucoup d’autres (fixes, mais non conformes) en divers lieux ! Par ailleurs ce serait la moindre des choses que les personnes handicapées puissent profiter des espaces verts de proximité alors que pour beaucoup, malgré les quelques aménagements initiés par la MÉTRO, il leur est quasiment impossible d’accéder aux grands espaces entourant la ville de Grenoble. Le Jardin des Poètes est l’un de ces espaces verts rendus inaccessibles aux personnes handicapées vivant dans un foyer situé à proximité.

Il est inadmissible que des espaces accessibles au départ deviennent non accessibles ou difficilement accessibles suite à ces « aménagements », qui se rajoutent aux nombreux obstacles que rencontrent les personnes handicapées sur leur cheminement : terrasses de café débordant des espaces qui leur sont attribués, stationnement anarchique des poubelles, des voitures, de divers mobiliers... D’un point de vue plus général si vous voulez « rendre la ville aux piétons », y compris handicapés et personnes âgées en perte d’autonomie, personnes accompagnées de poussettes et d’enfants, aux transports doux tels que les vélos et les vélos accompagnés de remorques de plus en plus nombreux, il faut éviter les obstacles plus ou moins franchissables que nous allons bientôt retrouver à tous les coins de rue si vous continuer votre politique de mise en place de barrières dîtes sélectives.

Ainsi, nous venons d'être informés par l'une de nos adhérentes qu'à partir du 28 novembre, chemin de la piscine (parc Jean-Verlhac, quartier de la Villeneuve) la Ville de Grenoble va entreprendre des  travaux pour aménager une placette située face au lac et une  chicane, afin de limiter les vitesses des deux roues... Notre adhérente s’inquiète de voir, une nouvelle fois, sa liberté de circulation entravée, et elle s’inquiète d’autant plus qu’elle a lu votre réponse.

Prétendre établir un « compromis » en sacrifiant les intérêts des usagers les plus handicapés, qui sont certes une minorité, aux intérêts supposés de la « majorité », c’est légitimer une discrimination. Il vous appartient de prendre la mesure de cette discrimination, et de la faire cesser. Votre responsabilité de Maire et de Président de l’Association des Maires des grandes villes de France est engagée.

Pour notre part, conformément au mandat que nos adhérents nous ont confié en Assemblée Générale, nous continuerons à défendre le droit à la libre circulation de tous les usagers handicapés.

En conséquence, nous réitérons nos exigences en matière d’accessibilité de la voirie, à savoir le respect de la règle énoncée au 3° de l’article 1er de l’arrêté du 15 janvier 2007, c’est-à-dire la largeur minimale de cheminement de 1m40 et, au minimum, le respect des engagements pris par la Ville de Grenoble :

- La suppression immédiate de toutes les chicanes mobiles.

- Et le réaménagement immédiat des chicanes fixes conformément aux schémas joints à la demande de dérogation présentée à la Sous-Commission départementale d’accessibilité en 2009, à savoir un dispositif évidé avec un diamètre de rotation de 1m30.

Bien évidemment, nous rendrons votre réponse publique, de même que cette lettre. Et si besoin est, nous prendrons dans les mois qui viennent, les initiatives nécessaires. 

Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Député-Maire, l’expression de notre détermination.

Pour le CDTHED : Henri Galy, Président du CDTHED 

Pièces jointes :

[1] Schéma des chicanes présenté dans la demande de dérogation du 26 octobre 2009 – plan de situation.

[2] Schéma des chicanes présenté dans la demande de dérogation du 26 octobre 2009 – vue de dessus.

[3] Schéma des chicanes présenté dans la demande de dérogation du 26 octobre 2009 – vue en coupe.

[4] Schéma des chicanes installées par la Ville de Grenoble depuis 2009, non conformes aux schémas ci-dessus !

 

Télécharger la réponse du CDTHED en date du 7 décembre 2013 (doc).

Télécharger la réponse du CDTHED en date du 7 décembre 2013 (pdf).

Télécharger la lettre de M. Destot du 18 novembre (doc - après OCR).

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