Mesdames, Messieurs les Députés, 

Vous êtes invités par le gouvernement à débattre et à voter son « Projet de loi garantissant l’avenir et la justice du sys­tème de retraite ». Nous avons lu attentivement ce projet, exposé des motifs et articles, déposé sur le Bureau de votre Assemblée le 18 septembre, et publié à l’adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl1376.asp

À cette occasion, le CDTHED rappelle qu’il n’est pas demandeur d’une « réforme des retraites » qui se traduirait pour l’essentiel par un allon­gement de la durée de cotisation, ce qui va à l’encontre des intérêts des travailleurs, et notamment des plus fragiles d’entre eux, les travailleurs handicapés. Nous demandons au contraire l’adoption de mesures spécifiques per­mettant d’assurer « la réalisation effective du droit des tra­vailleurs handicapés et des parents et conjoints de per­sonnes handicapées dépendantes à une véritable re­traite anticipée, dans des conditions équivalentes à celles des travailleurs qui n’ont pas été frappés par le handicap », ce qui implique notamment les mesures suivantes, énumérées dans notre pétition ayant recueilli, à ce jour, 2486 signatures et le soutien de parlementaires appartenant à divers courants politiques :

« 1°) La reconnaissance du handicap et de son ancienneté doit pouvoir se justifier par tout moyen de forme (carte “station debout pénible”, notification d’invalidité 1ère catégorie, pension militaire d’invalidité, rente pour accident du travail ou maladie profession­nelle, etc.) ou de fond (archives et dossiers médicaux), avec, en cas de doute, examen par une commission indépendante et appel devant une juridiction impartiale.

2°) Les travailleurs handicapés (secteur privé et public) doivent pouvoir partir à la retraite avec une anticipation proportionnelle au nombre d’années d’activité professionnelle exercée en étant handicapés – avec majoration de la pension de base pour les pé­riodes considérées.

3°) Pour l’extension du système de cessation anticipée d’activité pour cause de handicap à l’ensemble des régimes complémen­taires obliga­toires, avec majoration de pension – le surcoût pour les caisses relevant de la solidarité nationale.

4°) Extension du droit à la retraite anticipée (secteur privé et public) à tous les conjoints et parents de personnes handicapées dé­pendantes. Extension de ce dispositif aux retraites complémentaires, au titre de la solidarité nationale.

5°) Concernant les travailleurs handicapés qui ont réussi l’ancien examen donnant droit à un emploi réservé dans la Fonction pu­blique, et qui ont dû attendre des années avant d’être nommés sur un poste adapté à leur handicap, nous demandons la prise en compte de ces années d’attente pour la retraite, en terme de durée de cotisation. » 

« Ouvrir des solidarités nouvelles » ?

Dans la section « Ouvrir des solidarités nouvelles en faveur 
des assurés handicapés et de leurs aidants », du Projet de Loi qui vous est soumis, l’article 23 est ainsi présenté par le gouvernement dans son exposé des motifs : 

« Les travailleurs handicapés peuvent liquider leur pension à taux plein dès cinquante-cinq ans s’ils respectent trois conditions cumulatives : justifier d’une durée d’assurance minimale ; justifier d’une durée d’assurance minimale cotisée ; justifier d’un taux d’incapacité permanente de 80 % pendant ces pé­riodes, ou avoir obtenu, pendant ces mêmes périodes, la Re­connaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH).

Ce critère de RQTH, introduit par la loi du 9 novembre 2010, apparaît inadapté dans de nombreuses situations d’assurés qui n’ont pas demandé le bénéfice de la RQTH pendant les pé­riodes où ils travaillaient, alors qu’ils auraient pu en bénéfi­cier. Certains assurés justifiant d’un handicap durable, médi­cale­ment attesté, ou encore d’un handicap congénital, sont ainsi écartés du bénéfice de la mesure en raison de l’absence de RQTH, alors même qu’ils pourraient justifier d’un taux d’incapacité permanente, au sens de la MDPH, antérieur.

Le présent article propose de remplacer, pour le béné­fice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, le cri­tère peu opérant de la RQTH, par le taux d’Incapacité Per­manente (IP) de 50 % [souligné par le CDTHED], afin de prendre en compte l’ensemble des périodes pendant lesquelles l’assuré justifie d’un handicap lourd (50 %) et au titre des­quelles celui-ci ne peut jusqu’ici pas ouvrir droit à la retraite anticipée. 

Voici le texte de cet article 23, qui prévoit l’application de cette mesure dès le 1er janvier 2014 : 

 « I. – À l’article L. 351-1-3, à l’article L. 634-3-3, au III de l’article L. 643-3 et au III de l’article L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime, les mots : “alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du Code du travail” sont remplacés par les mots : “alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 50 %”.

II. – Au 5° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires, les mots : “alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 80 % ou qu’ils avaient la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du Code du travail” sont remplacés par les mots : “alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 50 %”.

III. – Les dispositions du présent article sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2014. »

Un véritable tour de passe-passe

S’il est vrai que de nombreux travailleurs handicapés n’ont pas demandé autrefois la RQTH alors que leur handicap l’aurait parfaitement justifié, il faut savoir que beaucoup de tra­vailleurs handicapés n’ont pas non plus demandé l’attribution d’un taux d’incapacité permanente en temps utile : ils ne peu­vent donc pas prouver une IP de 50 %. Il faut savoir aussi que la plupart des handicapés qui demandaient l’attribution d’un taux d’incapacité aux COTOREP d’avant 2005 se voyaient attribuer soit la Carte d’invalidité (IP de 80 % ou plus), soit l’ancienne « Carte station debout pénible » avec un taux d’IP de 40 % et non pas 50 %...

Mais le pire, c’est la situation des travailleurs handicapés qui ne peuvent pas justifier de ce taux d’incapacité sur une durée suffisante (plus de 30 ans dans le cas général) alors qu’ils ont eu la chance de demander dès le début la RQTH et son renouvellement périodique et qui, de ce fait, peuvent demander ces prochaines années à bénéficier de la retraite anticipée pour handicap avec majoration de la pension de retraite de base dans le cadre de la réglementation actuelle… Avec la nouvelle loi, ils perdraient ce droit acquis ! (En effet, un travailleur handicapé peut très bien obtenir la RQTH sans demander l’attribution d’un taux d’incapacité. Il peut aussi justifier de la RQTH en ayant un taux d’IP inférieur à 40 %.)

En toute logique, au lieu de remplacer un critère par un autre, il conviendrait d’offrir des possibilités supplémentaires pour justifier l’ancienneté du handicap, ainsi que le revendiquent les intéressés, et avec eux le CDTHED !

DERNIÈRE HEURE : La Commission des Affaires sociales vient d’adopter l’amendement AS 319, à la fin de l’article 23 :

 « IV. Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi un rapport permettant d’explorer la mise en place d’un compte handicap/travail. ».

Nous attirons votre attention sur le fait qu’il n’apporte aucune solution à ces problèmes, ni à court terme ni à long terme…

Quelles sont nos revendications ?

Mesdames, Messieurs les Députés,

Au tour de passe-passe gouvernemental, nous opposons, entre autres revendications, les exigences suivantes : 

- La reconnaissance du handicap et de son ancienneté doit pouvoir continuer à être justifiée, comme c’est déjà le cas, par la Carte d’invalidité ou un avantage analogue, ainsi que par la RQTH.

- À ces possibilités, doivent s’ajouter tous les moyens de forme ou de fond permettant à l’intéressé de justi­fier de son handicap (Carte « station debout pénible » ou IP de 40 %, notification d’invalidité 1ère catégorie, pen­sion militaire d’invalidité, rente pour accident du travail ou maladie pro­fession­nelle, etc.), y compris archives et dossiers médi­caux, avec, en cas de doute, examen par une commis­sion indépendante et appel devant une juri­diction impartiale.

Nous vous invitons à prendre en compte, par vos votes et vos prises de position, les revendications des travailleurs handicapés et des parents et conjoints de personnes handicapées dépendantes, et nous nous permettons de vous suggérer de rédiger et de déposer une proposition de loi allant dans le sens de nos revendications. 

Nous vous remercions par avance de nous tenir au courant des suites que vous donnerez à notre démarche, afin que nous puissions en informer les handicapés et leurs familles.

Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs les Députés, l’expression de nos sincères salutations.

Pour les signataires de la pétition, le Président du CDTHED : Henri Galy

 

Lettre ouverte du 2 octobre 2013 (pdf)

Lettre ouverte du 2 octobre 2013 (doc)

Pétition et argumentaire