Une fausse bonne idée...

 

Cette photo représente une chicane mobile, ou « barrière sélective » mobile, implantée sur un passage piéton. Cette chicane se compose d'une lourde barrière métallique en forme de « U », censée bloquer ou gêner le passage des véhicules deux roues motorisés. La barrière en « U » pivote librement autour d'un axe central.  Au milieu, on voit une personne handicapée sur un fauteuil roulant électrique, qui s'apprête à sortir de la chicane. Évidemment, on ne nous montre pas comment elle est rentrée…

Chicane mobile en U oscillant « Optimum+ » de la société Semco

 

Présenté abusivement comme « accessible aux handicapés », ce système rotatif, qui a fait l'objet d'un brevet, est le pire de tous. On ne peut fran­chir seul cet obstacle que lorsque l’on a suffi­sam­ment de mobi­lité et de force physique pour pou­voir exécuter une série de manœuvres simultanées : tirer à soi le tour­niquet et reculer, puis avancer et débuter un quart de tour, engager le fauteuil dans l’habitacle sans le heurter ou se coincer les cales pieds et tout de suite rectifier sa trajectoire, s’extraire habilement du sas tout en poussant le tourniquet. Un fauteuil très com­pact est donc tout aussi nécessaire qu’un bon usage de ses bras et une certaine dextérité. Mais même dans ce cas de figure, le fait de réussir le pas­sage non pas juste une fois de temps en temps, mais tous les jours, y compris quand il pleut, qu’il fait froid, qu’il fait nuit, qu’on est fatigué, etc., relève du mi­racle de Lourdes ! 

Beaucoup de pas­sants, utilisa­teurs de fauteuil manuel ou électrique, de béquilles ou de cannes, ou encore aveugles avec chien guide ou canne blanche, de ce fait vulnérables dans leurs déplacements et donc déjà victimes po­tentielles de la circulation des motos, se retrouvent, en prime, victimes de ce système de chicane com­plètement inadapté.

Contre toute régression de l’accessibilité

Pour les fournisseurs, les barrières sélectives remplissent efficacement leur rôle, ce qui est faux ainsi que l'on peut le constater en visitant les installations déjà réalisées. Quant aux désagréments occasionnés, des améliora­tions sont proposées : pose d’amortisseurs ou de bordures en plastique pour ne pas abimer les fau­teuils roulants, réglages du système de tourniquet pour les personnes ne pouvant s’aider de leurs mains, etc. Ces « solutions » sont aussi efficaces que la pose d'un emplâtre sur une jambe de bois...

On peut s’interroger sur la volonté têtue de certaines municipalités d'acheter très cher des mécaniques aussi pénalisantes, alors même que d’autres solutions, moins chères et plus respectueuses des personnes handi­capées, existent. La technique habituelle pour dis­suader l’invasion des 2 roues motorisés consiste non pas à les empêcher à tout prix de passer, ce qui est impossible, mais à cas­ser leur vitesse de manière dissuasive. Les chicanes fixes traditionnelles, par exemple, remplissent cette fonction, sans pénali­ser les fauteuils roulants, dès lors qu’un certain es­pacement est respecté. Elles ralentissent considéra­blement les scooters et mini motos et interdisent l'accès aux grosses cylindrées et aux quads.

Par ail­leurs, c’est aussi le rôle de la police munici­pale de s’occuper de ces questions. Elle est habilitée à inter­venir le cas échéant. Trop cher tout ça ? Peut-être, car l’équipement installé permet de faire l’impasse sur les solutions humaines de surveillance et de mé­diation. Toutefois, c’est un matériel lourd qui a aussi son coût. La pose de chaque U oscillant revient grosso modo à 3000 euros hors taxe, à ajou­ter au prix des autres éléments du dispositif. Compte tenu de la configuration des lieux, le risque de van­da­lisme est élevé. Cela suppose donc un budget d’entretien et de réparation pour ne pas se retrouver un jour ou l’autre avec des installations hors service, pour le coup totalement infranchissables.

Les chicanes mobiles seraient-elles devenues l’arme absolue contre l’invasion anarchique des motos et des scooters ? Peu probable… En revan­che, elles constituent de vilains pieds de nez à tous les efforts de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics, une véritable régression. Elles sont installées au mépris de la réglementation sur l’accessibilité.

Le CDTHED réclame donc le retrait de toutes les chicanes mobiles existantes.

  

Exemple de chicane mobile, obstacle infranchissable pour certains handicapés

 

Cette photo représente une chicane mobile, ou « barrière sélective » mobile, implantée sur un passage piéton dans un parc. Cette chicane se compose d'une lourde barrière métallique en forme de « U », censée bloquer ou gêner le passage des véhicules deux roues motorisés. La barrière en « U » pivote librement autour d'un axe central. Pour passer la chicane, il faut manipuler cette barrière avec ses bras. Après la chicane, il y a une large rampe piétonne qui monte vers des immeubles. Les piétons valides, à condition de ne pas être trop corpulents, peuvent contourner la chicane en empruntant de très étroits petits passages, entre des poteaux et barrières métalliques. Il y a aussi un escalier sur le côté de la rampe.

 

Une personne handicapée, se déplaçant en fauteuil roulant électrique, arrive devant la chicane. Le dossier du fauteuil est incliné en arrière, et il y a une tablette posée sur les accoudoirs, ce qui fait que le conducteur du fauteuil ne peut pas voir ses pieds, ni le sol devant le fauteuil. Le fauteuil a des cale-pieds, mais le bout des pieds dépasse, et n’est pas protégé. La personne a les pieds très déformés, et ne porte pas de chaussures. La personne n'a pas l'usage de ses bras et ne peut donc pas faire pivoter la chicane. Le fauteuil roulant reste bloqué devant la chicane.

 

Une personne valide commence à ouvrir la chicane pour que la personne qui se déplace en fauteuil roulant puisse rentrer à l'intérieur de celle-ci.

 

La personne qui aide est obligée de se tenir à l'extérieur de la chicane pendant que le fauteuil roulant traverse la chicane. Sur la photo, on peut constater la difficulté de la manœuvre.