Photo symbolisant la justice. Sur un coin de bureau, on voit un livre ouvert et la partie d’une balance. Au premier plan, un marteau.

 

Dans cet article, nous allons essayer de répondre à des questions récurrentes posées par un grand nombre de travailleurs handicapés d’un certain âge, confrontés aux blocages administratifs et qui nous demandent que faire, quelle administration attaquer et comment ? Bien évidemment, il ne s’agit ici que de donner une démarche générale et simplifiée, il est impossible de détailler les diverses situations possibles... Le lecteur pourra certes s’en inspirer, mais il devra faire l’effort de se plonger dans la réglementation pour adapter nos conseils à son propre cas !

Rappel du problème

Beaucoup de travailleurs, pourtant handicapés depuis leur naissance ou le début de leur carrière professionnelle, n’ont pas fait reconnaître leur handicap au travail, ou n’ont pas fait renouveler leurs attestations en temps utiles. De ce fait, ils ne disposent pas aujourd’hui des « bons papiers » leur permettant de faire valoir leurs droits à la RATH (Retraite Anticipée pour Travailleur Handicapé) avec majoration de pension. En d’autres termes, ils ont des « trous » dans leurs attestations de handicap au travail, en particulier dans le cas des RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleurs Handicapés).

Certes, l’article 45 de la LFSS (Loi de Financement de la Sécurité Sociale) a créé une Commission nationale chargée d’examiner certaines situations de ce genre. Mais les conditions à remplir sont tellement restrictives que pratiquement personne ne pourra en bénéficier... Au demeurant, les textes d’application n’ont pas encore été publiés, et les déclarations de la Ministre en charge du dossier, Marisol Touraine, laissent augurer le pire.

La seule perspective restante pour ces travailleurs, à l’issue très incertaine, reste donc encore aujourd’hui de recourir aux tribunaux, TASS (Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale) pour le secteur privé ou TA (Tribunal Administratif) pour les fonctionnaires, afin de faire reconnaître ses droits.

Précisons la démarche à suivre à partir d’un exemple typique

M. Martin est né en 1962, il a 55 ans, et il est handicapé depuis l’âge de 20 ans, mais il n’a jamais eu de Carte d’invalidité (ou s’il en a une, ce n’est que depuis une période relativement récente). Dans son relevé de carrière, il compte 128 trimestres d’assurances, dont au moins 108 cotisés.

Aujourd’hui, en 2017, la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) lui reconnaît un taux d’IP (Incapacité Permanente) de 50 % ou plus. (Ou bien il a une Carte d’Invalidité, une pension d’invalidité deuxième catégorie ou un avantage comparable - la Carte de priorité ne compte pas, la Carte européenne de stationnement et l’invalidité première catégorie non plus.)

Pour pouvoir bénéficier de la RATH à 55 ans en 2017, il doit totaliser au moins 128 trimestres d'assurance, dont au moins 108 cotisés, en étant simultanément reconnu durant chacun de ces trimestres titulaire d'une IP d'au moins 50 % ou d'une RQTH - sachant que la RQTH n'est prise en compte que pour les périodes antérieures à l'année 2016. S'il part plus tard, les conditions sont progressivement assouplies. Ainsi, pour partir avec la RATH à 59 ans, en 2021, on n'exige que 88 trimestres d'assurance, dont au moins 68 cotisés.

Rappel : On trouvera le « tableau résumant les Conditions d’assurance vieillesse (totale et cotisée) à respecter, depuis que le handicap est reconnu, en fonction de l’année de naissance et de l’âge minimum de départ à la retraite envisagé » pour la RATH sur le site Service Public, à l’adresse suivante :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16337

(Cliquer sur l’onglet « Conditions ».)

On peut distinguer, schématiquement, deux cas de figure :

1er cas : M. Martin a commencé à travailler sans se faire reconnaître handicapé, ce qui pour les travailleurs de sa génération était très courant : dans le passé, il était même recommandé de cacher son handicap, si c’était possible... Ce n’est que tardivement (typiquement dans les années 2000) qu’il a demandé la RQTH. Maintenant, la RQTH permet d’obtenir certains avantages au travail (aides pour aménagements de postes par exemple) qui n’existaient pas avant. De plus, le handicap commence à être mieux accepté dans le monde du travail, et on n’est (en général) plus stigmatisé comme autrefois. Beaucoup d’employeurs encouragent même leurs travailleurs à demander la RQTH afin d’augmenter leur quota et d’éviter de payer une redevance...

2ème cas : M. Martin a commencé à travailler en étant reconnu officiellement RQTH (typiquement, c’est le cas des fonctionnaires handicapés recrutés au titre des anciens « emplois réservés »). Par la suite, comme la RQTH ne lui servait plus à rien, il ne l’a pas fait renouveler avant les années 2000.

Dans les deux cas, M. Martin ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la RATH. Il lui manque un grand nombre de trimestres d’assurance avec handicap attesté, ce qui le condamne à travailler jusqu’à 62 ans : sept années de plus ! Certes, il peut éventuellement demander à partir avant, pour invalidité, mais en admettant que cela marche, il ne touchera pas la majoration de pension liée à la RATH. Certes, il aura une retraite « à taux plein » (sans décote), mais pas une retraite pleine du fait d’une durée de carrière trop courte...

Si M. Martin est dans le deuxième cas, il peut demander à la MDPH de lui faire une attestation comme quoi il a la qualité de travailleur handicapé depuis le début de sa carrière professionnelle ou avant. Si la MDPH accepte de le faire sous cette forme, sans plus de précisions, alors c’est bon : il peut faire le dossier pour la RATH. NB : Il en va de même si la MDPH accepte de lui faire une attestation de taux d’IP de 50 % ou plus, toujours depuis le début de sa carrière ou avant.

En résumé, il faut que ces attestations apparaissent comme étant définitives.

Sinon, si la MDPH précise les périodes de validité de cette attestation en faisant apparaître des « trous », alors il faut bien comprendre que M. Martin n’a aucune chance d’attaquer la MDPH devant aucune juridiction : on ne peut pas reprocher à la MDPH de ne pas vouloir prendre des décisions rétroactives !

Il faut alors entrer dans le long combat judiciaire...

Il faut d’abord déposer sa demande de RATH auprès de l’Assurance retraite (salariés du privé) ou de l’administration concernée (fonctionnaires). Ensuite, après le (probable refus), il faut contester ce refus en suivant la procédure indiquée sur la décision : recours amiable d'abord, contentieux ensuite.

Toutes ces démarches, y compris l’appel aux tribunaux, peuvent être faites sans avocat et par conséquent pratiquement sans frais, mais nous conseillons vivement de recourir, même pour un recours gracieux, à un spécialiste du droit. Compte tenu de l’enjeu considérable pour l’intéressé, il serait déraisonnable de se passer des services d’un avocat !

Concernant la recherche d'un avocat

Il faut déjà voir si votre assurance ou votre mutuelle, ou autre organisme couvre éventuellement l’assistance juridique, et dans quelles conditions exactement. Vous pouvez aussi vous rendre à une consultation gratuite d’avocats organisée en général dans les grandes villes ou agglomérations (se renseigner auprès de la mairie et de l’ordre des avocats). Ces consultations ne servent pas à traiter votre dossier, mais à vous orienter. Ajoutons qu’il y a également l’aide juridictionnelle, mais la plupart des salariés n’y ont pas droit du fait de leurs revenus. Les plafonds de ressources exigés sont très bas...

Quel que soit l’avocat choisi, il faut discuter de manière très précise de la question des honoraires et des frais de justice avant toute procédure. Pour plus de détails, consulter le site national de l’Ordre des avocats.

Et la jurisprudence ?

Nous avons souvent été interrogés sur cette question… Malheureusement, nous avons très peu de retour, et généralement négatifs : la plupart des assurés handicapés concernés que nous connaissons ont échoué devant les tribunaux, surtout le TA.

Toutefois, certains ont gagné. Nous portons à votre connaissance deux jugements positifs (documents télécharger) :

- Jugement du TASS de Bobigny du 2 février 2006 (pdf).

- Jugement du TASS de Nanterre du 29 janvier 2014 (pdf).

Bien évidemment, chaque cas est un cas particulier, on ne peut pas en tirer une leçon générale ni une jurisprudence… Par contre, l’avocat peut s’inspirer d’un autre jugement. C’est pourquoi l’analyse suivante est très intéressante :

- « Le droit de la preuve à l’épreuve de la rigidité de l’administration ! », article publié par l’ordre de la Seine Saint-Denis en janvier 2007 (pdf).

 

==> Nous demandons à nos lecteurs de nous faire connaître tout autre jugement similaire dont ils auraient pu avoir connaissance, en particulier ceux qui ont obtenu une issue positive au TA.

 

Quelques liens utiles à consulter sur Internet :

Retraite des salariés du secteur privé :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N381 

Retraite du salarié : retraite anticipée pour handicap :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16337

Retraite d'un agent de la fonction publique :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N379

Retraite anticipée pour handicap (fonctionnaires) :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14060

Arrêté du 24 juillet 2015 relatif à la liste des documents attestant le taux d'incapacité permanente défini à l'article D. 351-1-6 du code de la sécurité sociale :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030987304&dateTexte=vig

 

... Et aussi bien sûr le site du CDTHED :

http://www.cdthed.fr/

Sans oublier de signer et de faire signer la pétition « pour le Droit à une véritable retraite anticipée des travailleurs handicapés et des aidants de personnes handicapées dépendantes » :

http://www.cdthed.fr/joomla16/droit-à-la-retraite-anticipée.html