Communiqué de presse

Surfant sur la manifestation médiatique du Téléthon du week-end, le Premier Ministre présidera le vendredi 2 décembre le Conseil Interministériel du Handicap ayant pour objectif de présenter un « état des lieux » visant à valoriser l’action du Gouvernement.

Face à cette opération politicienne, les Associations soussignées publient le dossier du réel état des lieux en termes de situations de handicap vécues au quotidien par plusieurs millions de nos concitoyens.

Accessibilité sacrifiée, compensation mutilée, éducation atrophiée, emploi limité, retraites malmenées, ressources paralysées, participation ignorée, concertation dévoyée, citoyenneté oubliée, dignité bafouée, tels sont les qualificatifs qui caractérisent le mieux les droits -- droits estropiés en l’occurrence -- des citoyens dits handicapés.

Les Associations soussignées :

-- Association Nationale Pour l’Intégration des personnes dites Handicapées Moteurs.

-- Comité pour le Droit au Travail des Handicapés et pour l’Égalité des Droits.

-- Coordination Handicap et Autonomie.

-- Groupement Français des Personnes Handicapées.

-- Handi-Social.

 

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Situations de handicap : état des lieux

Surfant sur la manifestation médiatique du Téléthon du week-end, le Premier Ministre présidera le vendredi 2 décembre le Conseil Interministériel du Handicap (CIH) ayant pour objectif de présenter un « état des lieux » visant à valoriser l’action du Gouvernement.

Face à la campagne de presse qui s’annonce, les Associations soussignées présentent ci-dessous le réel état des lieux des situations de handicap vécues au quotidien par plusieurs millions de nos concitoyens. 

Scolarité

La rentrée scolaire a constitué cette année encore un véritable parcours du combattant pour les enfants et leurs familles, que ce soit :

-- en raison de difficultés liées à une accessibilité des locaux scolaires non assurée à ce jour.

-- la difficulté de se voir accorder par les Maisons un nombre d’heures suffisantes d’auxiliaires de vie scolaire, d’obtenir des rectorats la mise en place réelle de la décision de la Maison à cause de recrutements insuffisants et de leur statut souvent précaire : on compte aujourd’hui 41 000 titulaires de contrats aidés et 28 000 Assistants d’éducation effectuant 24 heures par semaine pour un salaire mensuel moyen de 650 € !

Ou de la difficulté de bénéficier d’outils pédagogiques adaptés.

Sans parler des activités périscolaires auxquelles les élèves dits handicapés ne participent qu’exceptionnellement.

Emploi

Secteur privé

Le taux de chômage des travailleurs disposant de la « Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé » (RQTH) atteint les 21 % (contre un peu plus de 10 % pour les travailleurs dits valides).

Précisons que ce sont les travailleurs disposant de cette « reconnaissance » de plus de 50 ans qui paient le tribut le plus lourd, 46 % d’entre eux étant au chômage (contre 23 % pour les seconds).

Et pour la totalité des travailleurs disposant de ce « statut », la période de chômage atteint les 26 mois (contre 16 mois environ pour les seconds).

De ce point de vue, ce ne sont pas les récentes dispositions permettant le cumul de la « prime d’activité » et de l’AAH, ou bien la création du « compte personnel d’activité » ou du « compte personnel de formation » qui, pour positives qu’elles soient, contribueront à changer cet état de fait.

Ce d’autant plus que les transferts de missions et de charges non compensées de l’État vers l’AGEFIPH affaiblit les capacités de cette dernière à financer l’accompagnement vers l’emploi des travailleurs disposant de la RQTH.

Sans parler des ponctions indues opérées par le premier au détriment de la seconde qui s’élèvent aujourd’hui à 224 millions d’euros (50 millions durant le quinquennat Sarkozy-Fillon. 174 millions, globalement sur le Fonds privé et sur le Fonds public, durant le quinquennat Hollande-Ayrault-Valls) !

Secteur public

Le taux d’emploi des personnes « handicapées » dans la Fonction publique est de 5,17 % par rapport au taux légal de 6 %.

Un effort louable a donc été fourni dans le secteur public depuis l’instauration de cette obligation.

Ce taux global masque cependant d’importantes disparités entre les trois Fonctions publiques (4,18 % pour la Fonction publique d’État, 5,41 % pour celle hospitalière et 6,22 % pour celle territoriale).

De telles différences perdurent également selon que la collectivité ou le ministère concerné est plus ou moins investi dans la mise en œuvre d’une politique de l’emploi des personnes « handicapées », volontariste et pérenne.

Ainsi, certaines entités publiques poursuivent leurs efforts en maintenant le rythme de recrutement des personnes handicapées malgré la baisse globale des effectifs. D’autres en revanche profitent de la diminution de ces effectifs pour afficher un taux d’emploi des fonctionnaires « handicapés » mécaniquement orienté à la hausse.

Un autre sujet de préoccupation réside dans la bonne gestion de la phase post recrutement (aménagements de postes, adaptation de l’environnement professionnel, évolution des carrières, promotions...) dans un contexte de forte contrainte budgétaire.

Celui-ci ne doit pas aboutir à adapter les recrutements en fonction de la nature des handicaps ni même à les conditionner aux marges de manœuvre financières dégagées pour l’insertion professionnelle des fonctionnaires dits handicapés.

De ce point de vue, nous ne pouvons que déplorer que le gouvernement puise dans le FIPHFP en utilisant cet argent à d’autres fins que celles prévues par la loi. 

Retraites

Après de longs combats, les travailleurs handicapés ont obtenu la création d’un dispositif de retraite anticipée à taux plein dès 55 ans, avec majoration de leur pension de base. Mais les conditions à remplir sont draconiennes. Quant aux aidants de personnes « handicapées » dépendantes, les avantages obtenus restent dérisoires.

Si la loi dite « garantissant l’avenir et la justice du système de retraite » du 20 janvier 2014 a abaissé de 80 % à 50 % le taux d’IP (Incapacité Permanente) requis, elle a surtout supprimé à partir du 1er janvier 2016 la prise en compte du critère RQTH conquise auparavant en 2010.

Résultat : la plupart des travailleurs handicapés vont être obligés de travailler 7 années de plus (jusqu’à 62 ans au lieu de 55) pour avoir une retraite décente. Ou bien de partir en retraite pour invalidité plus tôt, mais avec une pension misérable... alors que les employeurs pourront continuer à les compter dans leurs quotas obligatoires pour éviter de payer une redevance !

Le récent article 30 bis ajouté au PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale), censé résoudre certaines situations particulières, ne change rien : pratiquement personne ne pourra en bénéficier...

Ressources

Au 1er septembre 2012, l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) s’élevait à 776,59 €. En augmentation de 2,19 % par rapport à avril 2012, augmentation finale clôturant la revalorisation progressive 2008-2012 destinée à rattraper les insuffisances des périodes antérieures, revalorisation entamée après la manifestation rassemblant près de 35 000 personnes dites handicapées dans la rue !

Elle atteint aujourd’hui 808,46 €. Soit en 4 ans, de septembre 2012 à septembre 2016, une augmentation de 31,87 € !

Toujours très inférieure au seuil du minimum de pauvreté, l’AAH est versée à un plus d’un million de « bénéficiaires » qui, selon leur situation, la perçoivent en tout ou partie.

Ce tandis que le « complément de ressources » et la « majoration pour la vie autonome » (deux compléments accordés seulement à quelques dizaines de milliers de personnes -- mais pas les mêmes -- en fonction de leur situation variant selon leur niveau d’incapacité, leur capacité à travailler, ou leurs conditions de logement) n’ont pas varié depuis 5 ans !

Quant au niveau minimal de la pension d’invalidité, il était de 276,39 € en 2012 et atteint aujourd’hui 284 € .

Accessibilité

Le 11 février 2005, la Gauche votait contre la loi dite « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » au motif que celle-ci ne répondrait pas aux situations particulièrement difficiles vécues par plusieurs millions de nos concitoyens, notamment et à juste raison en matière d’accessibilité.

Il était donc permis de s’attendre à ce qu’à partir de 2012, une politique volontariste de mise en accessibilité du cadre bâti et des transports soit engagée : c’est à tout son contraire que nous avons assisté et que nous assistons encore aujourd’hui.

En effet, l’Ordonnance du 26 septembre 2014 [1] multiplie les dérogations de convenance, c’est-à-dire sans justifications réelles au plan technique, en faveur des propriétaires et gestionnaires d’ERP existants et à créer, notamment de 5e catégorie, c’est-à-dire les commerces dits « de proximité » (80 % -- vraisemblablement plutôt 60 % -- du 1,4 million -- plutôt que du million officiel -- d’ERP en France) pour lesquels aucun contrôle après travaux (lorsqu’il y en a !) n’est effectué !

Ce choix idéologique de favoriser les lobbies commerçants, immobiliers et financiers remet en cause également la volonté du législateur de 2005 pour lequel il ne pouvait y avoir d’obstacles à la construction de logements neufs accessibles et adaptables.

En effet, l’Ordonnance fait disparaître l’obligation d’installation de douches strictement à siphon de sol, c’est-à-dire sans seuil, et l’obligation d’accessibilité de balcons aisément accessibles, les premières pouvant avoir à présent un seuil de 5 cm et les seconds un seuil de 15 cm, bien entendu infranchissable en fauteuil roulant !

L’ordonnance est aussi une remise en cause de la continuité de la chaîne de déplacement, voulue par la loi de 2005, permettant par la mise en accessibilité de tous les arrêts de transports collectifs (sauf impossibilité technique) la liberté de déplacement du logement au travail, à la vie sociale, à l’accès aux soins, aux besoins du quotidien....

Aujourd’hui seuls les arrêts considérés comme prioritaires, ceux situés en zones denses, devront être rendus accessibles : a-t-on encore le droit de vivre à la campagne quand on est âgé ou handicapé ??

Compensation

Mesure très positive de la loi du 11 février 2005, la Prestation de compensation du handicap a prouvé s’il en était besoin que la vie à domicile des personnes « en situation de dépendance (vitale) » était parfaitement possible. Notamment à partir de 2006 la possibilité d’obtenir la présence d’une d’accompagnants 24 heures sur 24.

Malheureusement, quel que soit le nombre d’heures demandées et quel que soit le besoin de compensation, on ne cesse de constater, dans la plupart des départements, une diminution très nette du nombre d’heures attribuées.

Ceci aussi bien pour les renouvellements que pour les nouvelles demandes.

On constate également que, contrairement à ce qu’a prévu le législateur, les personnes « handicapées » sont mal informées sur leurs droits ou découragées de les faire appliquer, notamment celui d’être reçu par les commissions d’attribution au moment de l’examen de leur dossier.

Mais le pire est à venir avec des mesures, telle le Guide d’évaluation de la CNSA, déjà appliquées dans un certain nombre de départements et en voie d’être généralisées conduisent à diminuer par deux le temps nécessaire à l’aide à l’accomplissement des « actes essentiels de la vie » comme si la personne « handicapée » n’était qu’un vulgaire robot n’agissant que sur commande !

L’idée de la compensation disparaît progressivement devant l’insidieuse mise en place d’une gestion de la survie, et la personne « handicapée » reléguée au rang d’objet ! 

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Note :

[1] Rappelons que la loi du 11 février 2005 prévoyait déjà trois types de dérogation à l'égard des ERP : la première l'une en cas d’impossibilité technique, la seconde en cas de disproportion manifeste entre le coût des travaux et le chiffre d’affaires de l’ERP, la troisième concernant les bâtiments appartenant au patrimoine historique de la France.

Rappelons également que l’Ordonnance à été ratifiée par la quasi-totalité du Parlement le 5 août 2015, le PS, le PRG, le Modem, l’UDI, et le FN votant « pour » ; LR (ex-UMP) s’abstenant avec « bienveillance » ; EELV s’abstenant avec « vigilance » ; seul ce que l’on appelait encore à ce moment-là le Front de Gauche votant « contre ».

 

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