Pourquoi tous les travailleurs handicapés comptés par les entreprises et les administrations pour éviter de payer une redevance ne devraient-ils pas bénéficier du même droit à la retraite anticipée ? 

 

Lors de la discussion du PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale) à l’Assemblée Nationale, un amendement (n° 741) proposé par la ministre Marisol Touraine a été adopté en première lecture :

Article 30 bis

L’article L. 351-1-3 du code de la sécurité de la sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« L’assuré qui justifie des durées d’assurance mentionnées au premier alinéa sans pouvoir attester, sur une fraction de ces durées, de la reconnaissance administrative de l’incapacité requise au même alinéa, et qui est atteint d’une incapacité permanente d’au moins 80 % au moment de la demande de liquidation de sa pension, peut obtenir l’examen de sa situation par une commission placée auprès de la caisse nationale d’assurance vieillesse.

« Cette commission est saisie par la caisse chargée de la liquidation de la pension de retraite. L’examen de la situation est fondé sur un dossier à caractère médical transmis par l’assuré permettant d’établir l’ampleur de l’incapacité, déficience ou désavantage pour les périodes considérées. L’avis motivé de la commission est notifié à l’organisme débiteur de la pension, auquel il s’impose.

« Les membres de la commission exercent leur fonction dans le respect du secret professionnel et médical.

« Un décret détermine les modalités d’application du présent article et fixe, notamment, le fonctionnement et la composition de la commission, qui comprendra au moins un médecin-conseil et un membre de l’équipe mentionnée à l’article L. 146-8 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que la fraction des durées d’assurance requises susceptible d’être validée par la commission. »

Ainsi, pour la première fois, le Gouvernement accepte le principe de la reconnaissance a posteriori du handicap pour évaluer le droit à la retraite anticipée, une revendication portée depuis plusieurs années par le CDTHED avec le soutien de nombreux parlementaires de tous horizons.

 

Toutefois, il est très loin de répondre aux légitimes aspirations des travailleurs handicapés concernés :

- Il exclut toujours les titulaires actuels et anciens de la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleurs Handicapés) ainsi que la plupart des bénéficiaires de l’OETH (Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés) alors que ces mêmes travailleurs, du fait de leur handicap, sont comptés dans les quotas permettant aux entreprises et administrations d’éviter de payer une redevance.

- Il ne s’applique qu’aux travailleurs handicapés qui ont eu, au début de leur carrière professionnelle, une notification de taux d’IP (Incapacité Permanente) de 50 %, situation rarissime puisque le seuil de 50 % n’était (et n’est encore) généralement évalué que pour les personnes handicapées sans emploi qui, n’étant pas titulaires de la Carte d’invalidité, demandaient à bénéficier de l’AAH (Allocation aux Adultes Handicapés) au titre de la restriction substantielle et durable de l’accès à l’emploi. Et dans le cas, peu fréquent, où des travailleurs handicapés ont bénéficié de notifications de taux d'IP de 50 %, elles étaient rarement assorties d’une durée de validité.

- Il réintroduit comme condition à remplir au moment de la demande de liquidation de la pension de retraite l’ancien seuil de taux d’IP de 80 % (Carte d’invalidité ou équivalent).

- Dans l’exposé sommaire de l’amendement, la ministre a écrit : « À cet effet, le présent amendement institue une commission nationale dont la mission est d’établir, lorsque l’assuré ne peut attester administrativement de son incapacité permanente sur une période représentant jusqu’à 20 % de la durée d’assurance requise, la réalité du taux d’incapacité permanente sur cette période, alors que l’assuré possède les justificatifs nécessaires sur le reste de sa carrière pour ouvrir droit à la retraite anticipée des travailleurs handicapés. » (NB :  ce n’est pas écrit dans l’amendement lui-même, Mme Touraine prévoit sans doute de l’inclure dans le décret d’application.)

Cette condition supplémentaire, si elle est mise en œuvre, va restreindre encore plus les possibilités ouvertes aux intéressés de justifier les périodes manquantes... On va finir par se retrouver dans une situation où cette fameuse commission n’aura aucun cas à examiner, faute de trouver des travailleurs handicapés qui puissent rentrer dans ce trou d’aiguille !

 

En conclusion, le CDTHED demande aux sénateurs qui vont examiner le PLFSS de déposer des amendements visant à :

1 °) Rétablir la prise en compte du critère RQTH pour la retraite anticipée des travailleurs handicapés avec majoration de pension, comme c’était le cas avant la loi du 20 janvier 2014.

Remarque : Ceci ne s’oppose en rien au fait d’abaisser le taux minimum d’IP exigé de 80 à 50 % (encore que nous considérions par ailleurs que ce seuil est trop élevé).

2 °) Ouvrir la possibilité de justifier, pour le droit à la retraite anticipée, le handicap et son ancienneté par tout moyen de forme (RQTH, carte « station debout pénible », notification d’invalidité 1ère catégorie, pension militaire d’invalidité, rente pour accident du travail ou maladie professionnelle, etc.) ou de fond (dossiers médicaux), avec, en cas de doute, examen par une commission indépendante et possibilité de recours devant une juridiction impartiale.

Remarque : En toute justice, tous les bénéficiaires de l’OETH (Obligation d’Emploi de Travailleurs Handicapés) comptés par les entreprises et les administrations pour éviter de payer une redevance devraient bénéficier de ce même droit : ce qui est pris en compte pour les employeurs devrait l’être aussi pour les employés !

3°) Préciser que les notifications de taux d’IP compris entre 50 et 79 % doivent être considérées comme étant attribuées à titre définitif, sauf mention contraire explicite ou révision ultérieure.

 

Il appelle les députés à en faire autant en deuxième lecture.

 

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